Les marionnettes
L’IMAGE DE LA SEMAINE, DAVID, C’EST POUR VOUS UNE SCENE DE LA VIE QUOTIDIENNE. DES ENFANTS REGARDENT UN SPECTACLE DE MARIONNETTES…
Oui, c’est une scène que les parents et les grands parents connaissent bien. Une rangée d’enfants aux pulls de toutes les couleurs, des verts, des bleus, des oranges, des rouges avec des petits pois blancs, regarde un théâtre de marionnettes. Deux poupées – tenues par deux mains invisibles – racontent une histoire dans l’encadrement d’un panneau en bois. Cela pourrait se passer au parc de la Tête d’or à Lyon, au Jardin du Luxembourg à Paris… Mais la scène se déroule dans un champ de ruine à Saraqib dans le nord-ouest de la Syrie.
OUI, PARCE QU’IL N’Y A PAS QUE DES ENFANTS ET DES MARIONNETTES SUR CETTE PHOTO…
Les enfants ne sont pas assis sur de jolis bancs en bois. Ils sont installés sur des pierres et des parpaings durs et inconfortables. Le théâtre n’est pas doré à l’or fin, c’est un assemblage de contreplaqué ou de carton, même pas peint. C’est la matière brute, avec des étoiles presque imperceptibles dessinées au stylo à billes. Du pur bricolage. Et le décor tout autour, ce ne sont pas des arbres bien verts, des massifs de fleurs bien alignés : c’est un champ de ruines. Des amas de pierres, des immeubles à la façade éventrée, des treillis métalliques apparents et désarticulés.
LE DECOR EST DUR, MAIS C’EST UNE IMAGE QUI N’EST PAS TRISTE, POURTANT
Vous avez raison, Stéphanie. Elle m’a fait pensé au témoignage de Ziad Hilal que vous receviez à votre micro mercredi. Ce prêtre venu de Syrie, de Homs, cette ville qui a vécu pendant six longues années un siège terrible. La plupart des bâtiments a été détruit, plus d’eau, plus d’électricité, plus rien à manger. Mais il nous parlait des enfants qui restaient unis en jouant au foot. Il a intitulé son livre « Homs, l’espérance obstinée ». Et cette image là, c’est aussi une image d’espérance obstinée. Elle incarne une envie de joie, de divertissement, de petits plaisirs du quotidien. Le spectacle de marionnette, c’est un monde simple avec Guignol et Gnafron, avec de vrais gentils, de vrais méchants. C’est plus facile à comprendre que le conflit syrien.
ET PUIS C’EST UN PLAISIR UNIVERSEL. C’EST LA JOIE DES ENFANTS
Et c’est la force de cette image. Où est le photographe ? C’est une question que je pose souvent. Mais là encore, c’est important. Amer Alhamwe s’est installé derrière les enfants. On ne voit pas leurs visages, on est l’un des leurs. Et le photographe a plié les genoux, on voit la scène à la même hauteur que ces garçons et ces filles de 5,6 ans. On adopte leur point de vue. On retrouve nos yeux d’enfants. Et ça, bien sûr, c’est un cadeau. Cela nous permet d’avoir l’espace d’un instant une forme d’innocence, de croire aux messages d’espérance, et de penser que la joie peut surgir même dans un champ de ruine.
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