Cette exposition retrace les premiers pas des femmes qui votent. C'était il y a 80 ans, le dimanche 29 avril 1945 pour des élections municipales. A découvrir à Lille, aux archives du Nord jusqu’à fin avril. Marine Vasseur, responsable des publics aux archives départementales du Nord et coordinatrice de cette exposition.
« Dans le cadre des 80 ans de la Libération et des débarquements, nous nous sommes appuyés sur le réseau des correspondants départementaux de l’Institut d’Histoire du Temps Présent (CNRS Paris VIII) qui diligente des enquêtes collectives sur 4 ans. Cette exposition sur le droit de vote des femmes, aussi emblématique soit-il, rejoint les célébrations du 8 mars sur les droits des femmes en général. »
Derrière cette ordonnance de 1944 mise en application pour la première fois aux élections municipales d’avril 45, se cache un combat de plus d’un demi-siècle, abouti bien plus tôt chez nos voisins (1906 en Finlande, 1913 en Suède) et plus loin encore (1893 en Nouvelle Zélande, 1919 en l’Afghanistan).
« Il y avait une communauté internationale de féministes qui communiquaient entre elles et organisaient des congrès. Mais le sentiment d’illégitimité des femmes françaises avait la vie dure. Elles estimaient ne pas avoir été éduquées à la vie politique. Dès le XIXe, les associations féministes ont travaillé à leur démontrer qu’elles pouvaient avoir part à la vie publique, au premier plan dans les secteurs de compétence que la société leur assignait (enfance, lutte contre l’alcoolisme ou mal-logement). »
En explorant de plus les fonds des Archives du Nord (fortes de 70 km de documents répartis sur 7 étages) l’équipe de Marine Vasseur a découvert avec quelle ardeur les sous-préfectures et les renseignements généraux surveillaient les agissements et analysaient les engagements des femmes dans la vie publique, encourageant le vote à grand renfort de propagande tout en craignant que ces citoyennes nouvellement reconnues déséquilibrent soudain la société…
En ce dernier printemps d’un conflit qui n’avait pas fini de meurtrir, les chiffres sont éloquents : 55,4% de femmes se présentent à l’isoloir contre 44,6% d’hommes. Du côté des élues, quelques personnalités fortes investissent les conseils municipaux. Celle que l’on appelle « la pasionaria du Nord », Martha Desrumaux (ouvrière, militante de la CGT, cadre du PCF communiste formée à Moscou, déportée à Ravensbrück, présidente de l’Union des Femmes Françaises), ou encore Madeleine Leo-Lagrange (parmi les toutes premières avocates et femmes députées de France, ardente défenseure du développement de la pratique sportive) et tant d’autres noms passés à la postérité retrouvent un visage grâce à l’exposition.
Un atelier spécifique de débats propose aussi aux jeunes et moins jeunes de s’entrainer à l’argumentation contradictoire en s’appuyant sur des documents d’époque.
« S’arrêter sur ces jalons qui ont marqué l’émancipation laborieuse des femmes (comme le droit acquis en 65 de travailler et d’ouvrir un compte sans autorisation de son mari, entre autres), c’est une façon de rendre hommage à nos mères, nos grand-mères qui, malgré la grande précarité de la guerre ont entretenu cette flamme qui les a conduites à déposer un bulletin de vote dans l’urne. »
À travers ces portraits de pionnières du suffrage universel, l’équipe d’archivistes met en lumière une impressionnante série de femmes engagées qui incitaient déjà à leur époque les jeunes à ne pas galvauder ce précieux droit de vote en le négligeant.
« Isabelle Claeys, l’une des 21 premières sénatrices, élue communiste en 46, me touche particulièrement. Ouvrière textile, résistante, elle a décidé de poursuivre sa carrière dans le textile après la guerre. Cette persévérance dans un engagement, quel que soit le bord politique, je trouve ça très fort. »
Et puis il y a ces pépites enfouies sous les millefeuilles de rapports administratifs…
« Le sous-préfet de l’Avesnes qui explique textuellement qu’au sortir de la guerre les femmes se sont rendues aux urnes de façon massive, avec dans la main droite leur bulletin de vote et dans la main gauche leur sac à provisions vide… Si ça ne fait pas fantasmer beaucoup de gens, moi je trouve ces formules formidables, dans leur contexte. »
À voir jusqu’au 29 avril aux Archives départementales du Nord, 22 rue Saint-Bernard à Lille. Entrée libre du mardi au jeudi de 9h à 17h et le vendredi de 9h à 16h. archivedep@lenord.fr.
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