Les étudiants en philosophie s'inquiètent pour leur avenir
Le Capes est désormais ouvert aux étudiants qui ne sont pas encore titulaires d’une licence afin d’accroître le nombre de candidats et pallier les postes vides dans certaines matières déficitaires. La réforme inquiète pourtant les candidats d’autres disciplines, comme la philosophie.
@ PixabayAnnoncée au printemps dernier, la réforme du Capes, concours incontournable pour pouvoir enseigner au collège et au lycée, permet aux étudiants en 3e année de licence de passer les épreuves jusqu’ici réservées aux détenteurs d’un Master 2. Objectif : permettre aux futurs professeurs d'arriver plus vite sur le marché du travail, tout en continuant à être formés.
Plus de candidats en lice cette année
Le nombre de candidats au concours augmente donc considérablement puisque 3 niveaux peuvent désormais passer deux séries d'épreuves, chacune avec un format adapté à son niveau : d'un côté le concours des titulaires de Master (M2), et de l'autre, les épreuves pour les étudiants en 3e année de Licence (L3), également accessible 1ère année de Master. Résultat : le partage des places à l'arrivée risque d'être serré dans certaines matières.
"Il y aura forcément un pourcentage de places offerte aux candidats de niveau L3, assure
François Gauer, le directeur de l'Institut national supérieur du professorat et de l'éducation (Inspé) de l'Académie de Strasbourg. De même qu'un pourcentage sera réservé au M2 en parallèle avec le nombre totale de places disponibles." "Je pense que dans une discipline comme la philosophie, la réforme est un non-sens, estime Maria, candidate au Capes et inscrite à la préparation aux concours à Strasbourg. J'entends que dans d'autres matières il y ait de grosses pénuries de professeurs et que l'on cherche à recruter aussi vite que possible; mais en philosophie le problème s'inverse : on a trop de candidats pour trop peu de place pour cette matière enseignée sur un voire deux niveaux selon les établissements." Avec en tête la menace de fermeture des classes face à la baisse démographique qui impacte, quoique de manière modérée encore, les effectifs dans les établissements scolaires.
Des étudiants inquiets et stressés
D'après nos informations, un travail de ressources humaines doit être mené pour agencer au mieux la répartition des futurs lauréats vis à vis des besoins réels. "Une idée sous-jacente circule: le nombre total de places offerte en 2026 sera supérieure au nombre de places en 2025, notamment pour que les M2 ne soient pas les sacrifiés de cette réforme avec moins de places qui leur soient réservées", tempère François Gauer sans toutefois préciser le nombre.
Pour certaines matières, ce réagencement s'apparente à un casse-tête. En 2024, 900 candidats ont passé le Capes de philo pour 140 postes contre 1040 postes en mathématiques. L'an dernier 145 postes de profs de philo étaient à pourvoir sur concours externe, contre 990 en mathématiques et 100 en arts plastiques. "Je me suis inscrite pour passer l'agrégation et le Capes, renchérit Maria. Le premier examen [réservé aux diplômés de Master] est notoirement difficile. J'ai donc pensé passer également le Capes pour avoir au moins une chance d'en réussir un. Mais maintenant, obtenir le Capes devient encore plus dur en raison du nombre de concurrents. C'est inquiétant ! " Cyril abonde. Si l'étudiant se dit également "inquiet et stressé", il estime que la troisième année de licence n'est "pas du tout adaptée pour passer le concours, le stress de la validation de la licence étant déjà suffisamment accapareur".
Passer le double concours pour augmenter ses chances
Pour mettre toutes les chances de son coté, l'étudiant a décidé de passer les épreuves réservées aux titulaires comme lui d'un Master 2, ainsi que celles ouvertes aux L3. "Stratégiquement, j'ai tendance à penser que ça va passer face aux étudiants en 3e année qui ont moins de bagage philosophique que moi."
Les professeurs de la préparation aux concours de Strasbourg recommande d'ailleurs de s'inscrire au double concours à leur 250 et 300 inscrits, toute matière confondue. En philosophie, une des épreuves du Capes niveau M2 dure 7h. Elle passe à 7h30 pour les étudiants en 3e année de licence.
Autant d'heures d'affilées passées derrière un bureau pour les candidats qui s'entraînent en temps réel durant les mois précédents le concours. La stratégie décourage plutôt Maria. "Je ne vois pas comment c'est envisageable ! Les épreuves s'accumulent. Je prépare aussi l'agrégation et le Capes M2, cela fait beaucoup d'exercices. "
Un contexte politique peu favorable à une jeune réforme
Alors que les candidats potentiels aux concours ont jusque début novembre pour s'inscrire aux épreuves qui auront lieu en mars 2026, beaucoup d'informations liées aux modalités du concours arrivent au compte-goutte. "Nous avons reçu les dates du concours très récemment. Jusqu'ici, nous ne savions pas les deux Capes allaient ou non tomber le même jour, témoigne Cyril qui se prépare à passer l'agrégation, le Capes M2 et le Capes L3. Les formateurs de la prépa nous informent au fur et à mesure mais c'est difficile d'anticiper."
Difficile également de se projeter du côté des formateurs eux-mêmes. "Le contexte politique avec les changements successifs de gouvernement ne peuvent pas permettre de travailler dans la même sérénité que si nous étions dans un contexte plus stable", admet François Gauer.
La situation devrait se stabiliser d'ici trois ans, le temps que les promotions actuelles de M1 et de M2 passent le concours, de même que tous les étudiants en troisième année de licence qui souhaitent s'orienter dans l'enseignement. Ces lauréats deviendront alors élèves fonctionnaires durant leurs années de Master, partageant leur temps entre formation et stage dans les établissements scolaires.
