Les chrétiens et la COP 30 : peut-on prier pour l’environnement ?
C’est la grande réunion annuelle des États du monde : la COP 30 s’est ouverte à Belém, aux portes de la forêt amazonienne, au Brésil lundi 10 novembre. Dix ans après l'appel du pape François à la préservation de notre maison commune, quel doit être le rôle de chaque chrétien en matière d’environnement ? Éléments de réponse.
Les chrétiens et la COP 30 : peut-on prier pour l’environnement ? - © Unsplash - Gabriel JimenezRCF Lyon (Grégoire Gindre) : Quel doit être le rôle de chaque chrétien en matière d'environnement ?
Anne Doutriaux : Je pense qu'on peut tous agir à notre niveau. Bien sûr, il y a des choses qu'on peut faire individuellement, par exemple, tous les gestes verts qu'on connaît, comme privilégier les transports en commun, etc.
En tant que chrétien, je pense qu'on a la possibilité d’agir ensemble. C'est vraiment quelque chose d'extrêmement important. Je pense qu'on porte une voix un peu particulière. On l'a déjà vu dans le texte de l'encyclique Laudato si’, qui était sorti il y a dix ans, écrit par le pape François, dans lequel il y a cette idée de lier la question écologique à la question sociale, et de vraiment toujours rappeler qu'il ne faut pas séparer ces deux questions.
À titre personnel, je pense qu’en tant que personnes, nous pouvons porter une espérance par notre engagement. Même si les résultats des négociateurs peuvent paraître décourageants, il est important de garder l’espérance. On voit les conséquences du changement climatique qui commencent à se manifester : y compris en France, où des personnes ont été touchées. Nous sommes là pour rappeler qu'il est toujours possible de faire quelque chose.
Le pape François disait : « nous savons que les choses peuvent changer ». C'est une phrase que j'aime beaucoup. Huit ans après, lors de la COP 28, il disait qu’il serait suicidaire de désespérer. Je ne sais pas si c'est une manière de présenter les choses, mais c’est une force de porter cet appel à une écologie qui est aussi une écologie sociale, qui ne laisse personne de côté, et de dire que les choses peuvent être différentes. On peut vivre différemment et ne pas se décourager face à la difficulté.
Ce que j'aime bien avec les gens des religions, c'est qu'ils ne se découragent jamais
J’aime à citer quelqu'un qui me disait qu'il travaille avec un certain nombre de personnes engagées sur l'écologie, confessionnelles ou non confessionnelles, et qui s’exprimait ainsi : « ce que j'aime bien avec les gens des religions, c'est qu'ils ne se découragent jamais ». Je trouvais ça assez beau comme retour. Quoi qu'il arrive, l’homme ou la femme de foi reste toujours mobilisé, toujours motivé. Nous avons quelque chose qui nous porte. C'est d’autant plus important dans ce contexte là.
RCF Lyon : Le pape François a été très largement mobilisé durant son pontificat en matière d'environnement, en matière sociale. C’est aussi le cas du pape Léon XIV. Doit-on en attendre autant de sa part, voire plus ?
AD : Il s'est déjà exprimé de manière intéressante avant d'être pape. Il avait participé à un événement où il avait déclaré qu'il était temps de passer des paroles aux actes en ce qui concerne l'écologie. C’était déjà une parole d’engagement. Le 1er octobre dernier, il y a eu un événement important à Castel Gandolfo, à côté de Rome, pour les 10 ans de Laudato Si’. [organisé par le mouvement Laudato Si’, NDLR]. Le pape a pris la parole à cette occasion là, en disant que tous les membres de la société, par l'intermédiaire d'organisations non gouvernementales, de groupes de défense, doivent faire pression sur les gouvernements pour que ceux-ci élaborent et mettent en œuvre des réglementations, des procédures et des contrôles plus rigoureux. Il y avait vraiment cet appel à faire pression. Il reprenait la ligne du pape François.
Et il nous a dit quelque chose que j'ai trouvé très beau : « il n'y a pas de place pour l'indifférence ou la résignation ». Il y a vraiment cette idée de continuer à s'engager. Dans une tonalité un peu différente, il évoquait une conversion, en disant qu’il s’agissait d’une conversion qui se passait dans le cœur et qui n'était pas différente de la conversion qu'il nous amenait vers Dieu. Il y a quelque chose à la fois très spirituel, très profond, dans cet appel à la conversion, parce qu'elle invite à se laisser toucher par toute cette souffrance qu'on peut voir autour de nous. Et en même temps, il s'agit de quelque chose de très concret, qui va se traduire à la fois par des changements dans les modes de vie, et à la fois par des décisions qui doivent être des décisions politiques. Tout ne dépend pas de nous. Donc il y a des choses qui doivent être mises en place de manière collective ou de manière politique, sur des décisions politiques publiques.

RCF Lyon : Pouvons nous aussi prier pour l’environnement ?
AD : Oui, et ça, c'est quelque chose qui est très beau, qui s'est amorcé il y a deux ans, et qui a vraiment pris une ampleur particulière cette année pour la COP 30. Ces prières pour la COP peuvent se faire de différentes manières, soit dans une paroisse, dans un diocèse, dans une communauté religieuse, sous la forme de veillées de prières, soit dans la rue. Ce sont des cercles de silence où l’on prie en silence autour d'une bougie avec quelques pancartes. Prier signifie porter dans notre prière toutes ces personnes qui sont présentes là-bas, à la COP et qui s'engagent. Être solidaires avec les personnes qui souffrent du changement climatique. Mais c'est aussi porter une voix et dire qu'on appelle à des changements et qu'on appelle à des changements dans une direction qui ne laisse personne de côté.
Tout ne dépend pas de nous. Donc il y a des choses qui doivent être mises en place de manière collective ou de manière politique, sur des décisions politiques publiques
Et cette année tout particulièrement, ces veillées de prières - qui ont débutées il y a deux ans - ont pris beaucoup d'ampleur. La Conférence des évêques de France a préparé, avec le mouvement Laudato si’, un déroulement de veillées de prières auxquelles les gens peuvent assister. Et il y a des diocèses dans toute la France qui se sont emparés de ça, qui ont relayés, qui organisent des fois, soit en diocèse, soit en paroisse, des veillées de prières. Les cercles de silence, c'est pareil. C'est quelque chose qui s'est énormément répandu.
C'est un appel qui est porté par Lutte et Contemplation, mais qui est rejoint par le mouvement Laudato si’. Il y a une trentaine d'organisations qui appellent à faire des cercles de silence. Étant en contact avec beaucoup de gens un peu partout en France, je vois toutes ces initiatives. Que ce soit la petite veillée de prière dans une commune très rurale, ou que ce soit la maison diocésaine - je pense à Besançon, qui organise sa veillée de prière dans la maison diocésaine-, quelle qu’elle soit et où qu’elle soit, je pense que notre prière peut être une action. Prier est toujours utile. Il y a toujours une utilité. Et de confier à Dieu ces enjeux-là, ça transforme les gens qui participent aussi à ces prières. Certains ressortent en disant : « j'ai vécu quelque chose qui m'a changé, qui m'a fait prendre conscience qu'il fallait que je change des choses dans ma vie ». Et puis ça dit aussi quelque chose. C'est peut-être notre manière à nous de manifester ou d'élever une voix.
RCF Lyon : Le regard chrétien sur l'écologie semble avoir largement évolué cette dernière décennie. Comment concilier à la fois la foi, l'espérance et la lucidité face à l'urgence climatique ?
AD : En étant à l'écoute, en priant, en étant en lien les uns avec les autres. C'est quelque chose qui fait vivre et quelque chose de très beau aussi. Une de mes connaissances, qui habite en Haïti, responsable de la Laudato si’ et très impliquée localement, me disait, dans les pires difficultés que les haïtiens peuvent connaître là-bas, on lui demande comment elle garde le sourire tous les jours. « C'est parce que j'essaye de vivre Laudato si’ tous les jours », leur répond elle. C'est un chemin. Et c'est un chemin qui apporte du bonheur à ceux qui le vivent.



Pour bien comprendre le monde qui nous entoure, il faut décrypter l'info pas à pas, donner des clés de compréhension : chaque jour de la semaine à partir de 13h10, Grégoire Gindre, accompagné d'experts du territoire d'Auvergne-Rhône-Alpes, analyse un fait d'actualité ou de société pour en identifier les enjeux. Réécoutez ici la version intégrale de l'émission, ou bien chaque rendez-vous sur les pages dédiées de L'invité de Pour bien comprendre, En direct des territoires ou Une question à la foi.
