Le sommeil est tout un art
« L’Empire du sommeil » est une exposition proposée par le musée Musée Marmottan-Monet à Paris jusqu'au 1er mars prochain. Une belle occasion de découvrir comment le sommeil est représenté dans l'art à travers les époques.
Giuseppe Antonio Petrini, Le Sommeil de saint Pierre (?), vers 1740, Musée du Louvre © Grand Palais Rmn (musée du Louvre) / Stéphane MaréchalleLes expositions thématiques ont beaucoup de charme. Les rétrospectives consacrées à un seul peintre ou à un seul courant artistique sont instructives mais peuvent laisser une impression de monotonie. Au contraire, quand il s’agit d’étudier la manière de traiter un sujet au fil des siècles, cela devient une sorte de petit musée où l’on découvre côte à côte une grande diversité d’artistes.
C’est ce plaisir que l’on éprouve en visitant l’exposition intitulée « L’Empire du sommeil » proposée par le musée Marmottant-Monet à Paris. La plupart des œuvres présentées sont du XIXe siècle et du début du XXe. Mais il y a en aussi qui datent du Moyen-Âge et d’autres très récentes.
Le thème du sommeil traverse l'histoire
C'est logique après tout. Nous consacrons au sommeil environ un tiers de nos existences. Comment les artistes pourraient-ils passer à côté d’une dimension aussi importante de nos vies ? La fréquence de ce thème dans la production artistique tient peut-être aussi à une raison beaucoup plus pratique, je le dis avec un peu de malice. Il n’est pas facile pour les peintres et les sculpteurs de faire poser longuement des modèles. Lorsque ceux-ci dorment, la difficulté est résolue, l’artiste peut travailler tranquillement. Plus sérieusement, le sommeil a de quoi nourrir l’imagination des artistes. C’est un sujet d’une grande richesse thématique. Une part significative de l’exposition est dévolue à l’histoire sainte. La dormition de la
Vierge, représentée par une étonnante sculpture du XVe siècle, est bien une forme de sommeil. Un des plus beaux tableaux de l’exposition est une « Ivresse de Noé », due à l’artiste vénitien du XVIe siècle Giovanni Bellini. Mais il faut citer aussi un étonnant « Saint Pierre endormi » du XVIIIe siècle où le point central du tableau est le sommet du crâne dégarni de l’apôtre assoupi sur une Bible. On ne voit presque rien de son visage. L’exposition explore bien d’autres thèmes : le repos éternel, c’est-à-dire la représentation des morts et des agonisants. L’exploration des rêves. Les angoisses nocturnes. Le lieu du sommeil qu’est le lit. Et puis aussi le sommeil comme support de représentations érotiques. Rien de choquant n’est exposé, je tiens à le dire. On se dit simplement que l’endormissement est un bon prétexte pour présenter des corps dénudés. Il est vrai que toute représentation du sommeil fait de nous les spectateurs indiscrets d’un moment d’intimité.
Les œuvres marquantes
Il y a Le Bellini. Mais aussi un portrait bouleversant d’une femme, atteinte d’un cancer et proche de la mort. C’était la compagne de Ferdinand Hodler, peintre suisse surtout connu pour de magnifiques panoramas de montagne. Et puis un autoportrait
d’Edvard Munch, auteur d’un des tableaux les plus célèbres de l’histoire de la peinture, « Le Cri ». Là, le peintre norvégien s’est représenté chez lui durant une insomnie. Le tableau s’appelle « Le Noctambule ». J’ai découvert un peintre espagnol, Joaquin Sorolla,
qui, en 1900, représente une mère et son enfant dans un immense lit. On voit juste leurs visages se détacher sur la blancheur des draps. Je termine par un clin d’oeil. Un tableau anglais de John Everett Millais en 1864 représentant une petite fille endormie sur un banc d’église. L’oeuvre est intitulée « Mon deuxième sermon ». Le charme de cette exposition est bien celui de la diversité !
Jusqu’au 1er mars 2026


Chaque mardi à 8h45, Guillaume Goubert et Simon de Monicault présentent une exposition ou un événement qui raconte l'histoire de l'art.


