Ramatuelle : un symbole chrétien dans l'épave à 2 500 mètres de profondeur
Le 4 mars dernier, une découverte exceptionnelle a eu lieu au large de Ramatuelle, dans le Var : une épave datant du XVIᵉ siècle, reposant à plus de 2 500 mètres de profondeur, a été repérée par un sonar sous-marin de la Marine nationale. Dans la cale du navire, une cargaison de pichets en céramique, marqués du monogramme IHS — Iesus Hominum Salvator, « Jésus, Sauveur des Hommes ».
Pichet avec le monogramme Iesus Hominum Salvator - Marine National Près de cinq siècles durant, ces objets sont restés figés dans un silence religieux, protégés par l’obscurité et la pression des grands fonds. C'est la première fois qu'un bateau de cette période est découvert à une profondeur aussi importante en Méditerranée. En plus des pichets, les archéologues ont repéré des assiettes, des barres de fer, une ancre ainsi que plusieurs canons caractéristiques du XVIème siècle. Le navire, d’environ 30 mètres de long, est dans un état de conservation remarquable.
"On a un site intact, protégé de la récupération et des pillages", s’émerveille Marine Sadania, archéologue au Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm). "Tout est resté en place. Rien n’a été perturbé depuis le naufrage."
Une route commerciale immergée
D'après les premières études, le bateau aurait pu naviguer en provenance de la Ligurie, en Italie, en direction de Marseille. Toutefois, la chercheuse fait preuve de prudence. "À ce stade, il va falloir confirmer nos premières analyses", tempère Marine Sadania. La nature de la cargaison, l’origine des objets et la construction du navire laissent entrevoir un itinéraire méditerranéen, mais les investigations ne font que commencer.
L’équipe prévoit de croiser les données matérielles avec les sources historiques pour affiner la compréhension du site. "On va s’interroger, confronter les ordonnances des États sur les équipements des navires, comparer avec les textes que nous avons déjà", explique-t-elle. L’enjeu est de mieux comprendre la manière dont étaient équipés les bateaux .
Pour l’instant, la datation du naufrage reste approximative. Aucun prélèvement n’a pu être réalisé. "Le seul espoir, c’est qu’une pièce soit retrouvée à bord. Ce serait un indice précieux pour dater le naufrage."
Une capsule temporelle à explorer
Pour Arnaud Chommasse, directeur du Drassm, l’épave constitue "une véritable capsule temporelle". Il précise : "Tous les objets du quotidien sont à bord. On va pouvoir découvrir de nouvelles choses sur la vie des marins, leur quotidien."
Mais l’exploration est aussi un défi technique majeur. "Aucun robot n’a la dextérité pour effectuer des fouilles au sens strict ", regrette Arnaud Chommasse. "On ne peut pas encore manipuler les objets comme le ferait un archéologue sur site."
Une technologie au service de l’archéologie
À une telle profondeur, il est bien entendu impossible d’envoyer des plongeurs. "Seuls quelques robots peuvent descendre à plus de 2 500 mètres. ", souligne-t-il. C’est pourquoi le Drassm a dû faire appel à la Marine nationale pour obtenir les premières images du site.
L’opération se fera en plusieurs phases. "On va d’abord étudier la surface. Ensuite, on s’approchera de certains points précis pour analyser le bateau lui-même", détaille le directeur du Drassm. Des images 3D du site vont être produites. Les premières modélisations sont attendues à partir de 2026.


