Le planning familial privé d’intervention dans les écoles primaires de l’académie de Grenoble
La nouvelle est tombée au compte-gouttes, par mails individuels, mais le constat n’en est pas moins fort. Le Planning Familial de Grenoble a appris il y a quelques mois qu’il ne pourrait plus intervenir dans les cours d'Éducation à la vie affective, relationnelle, et sexuelle dans les écoles primaires de la ville. Une décision nationale, très durement appliquée au sein de l’académie de Grenoble, qui inquiète. Une quarantaine de structures syndicales et associatives dénonce cela dans une tribune.
Le kit de formation en école du Planning Familial. Ce qu'il faut retenir :
- Sur l'académie de Grenoble, le planning familial n'interviendra plus dans les écoles primaires. Décision nationale strictement appliquée par la DSDEN.
- Les syndicats et les associations signent une tribune. Ils s'inquiète que les enfants ne bénéficient pas des interventions obligatoires, ou dans de mauvaises conditions.
- Un enjeux d'autant plus important que la CIIVISE insiste sur la nécessité d'écouter les enfants et de leur apprendre le consentement.
- Les signataires de la tribune dénoncent un choix politique.
C’est à la fin du mois de mai 2025 que le Planning Familial a eu connaissance du problème. D’abord, le centre de santé de la métropole a mis fin à son partenariat avec l’association, sans justification. Progressivement, les écoles primaires et les professeurs leur font également part de leur désengagement…
"Ça va être une année qui saute"
Finalement, les deux centres du Planning Familial de Grenoble comprennent d’où vient le problème. “En fait cette interdiction venait de l’Éducation nationale, en l'occurrence de la DSDEN (le niveau départemental de l’Éducation nationale)”, explique Claire Roblay-Barreau, membre du syndicat Sud éducation, “parce que quand le programme d’Éducation à la Vie Affective, Relationnelle et Sexuelle est paru, il est paru avec une FAQ, dans laquelle il est explicité que les extérieurs n'étaient pas censés intervenir dans le premier degré puisque dans le programme, ce n’était pas écrit. Donc l’absence de mention d’intervention signifiait l’interdiction.”
Sur le département, les quelques écoles faisant intervenir l’association sont celles où les professeurs ont fait le choix de ne pas se plier aux directives. Mais le problème, au-delà de l’impact d’une telle décision sur le budget de l’association, est la date à laquelle est tombée l’information. “Ça va être une année qui saute en fait. On est déjà mi-octobre, ces séances, en général, elles sont prévues en fait l’année d’avant, en mai ou juin… L’année est déjà enclenchée. Donc est-ce que les élèves de ces classes-là vont recevoir des cours d’EVARS ?” s’inquiète Léa Delahaye, chargée de communication au Planning Familial Gambetta.
Un manque de formation dénoncé
Or, depuis 2001 et la loi Aubry, les élèves, de la maternelle au lycée, doivent recevoir trois cours relatifs à la vie affective, relationnelle et sexuelle par an. Depuis février dernier, ces cours ont même été détaillés dans un programme défini, rédigé en partie avec le Planning Familial.
Les syndicats de l’éducation déplorent que les professeurs soient laissés à eux-mêmes, et ne puissent plus être assistés des conseillères conjugales et familiales. Selon eux, les professeurs ne sont pas suffisamment formés pour prendre en charge seuls les cours d’EVARS. “Nous, en tant que professeurs, on est très peu formés aux questions de vie affective et sexuelle”, explique Léa Monabey, membre de Sud Éducation, “Dans le premier degré, il y a seulement quelques heures de formation, qui se font par webinaire. Mais le webinaire, c’est pas du tout un outil de formation efficace. On est plutôt sur de l’information, et pas sur un travail de réception de la parole.” Or, les intervenants du Planning sont formés pendant deux ans pour dispenser des cours d’EVARS.
Une inquiétude d’autant plus importante que la CIIVISE recommande de prendre le temps, pendant ces cours, pour détecter les cas d’incestes, alors que 2 à 3 enfants par classe pourraient en être victimes. “On sait que les premières paroles des enfants, des adolescents, autour des questions de violence, c’est vraiment un moment important. Et s’ils ne sont pas entendus, ils peuvent ne plus reprendre la parole pendant un certain temps”, indique Manon Peroz, membre de FSU. La CIIVISE insiste également sur l’importance de ces temps d’EVARS pour apprendre aux enfants leurs droits, la notion de consentement, et à décrypter leurs émotions.
"On peut se poser la question de l'orientation de la formation"
Pour les signataires de la tribune, ce choix est avant tout politique. D’ailleurs, les syndicats de l’éducation nationale l’assimilent à une tendance générale. Ils dénoncent un manque de prise de conscience du département et plus globalement du ministère de l'Éducation nationale.
En Auvergne-Rhône-Alpes, une nouvelle plateforme doit participer à la formation des professeurs, l’application LIFT. En novembre 2024, l’application a répondu à un appel d’offres pour “lutter contre la pornographie dans les lycées de la région” Cependant, les syndicats tirent la sonnette d’alarme. LIFT est majoritairement financée par Pierre Edouard Stérin, connu pour ses idées pro-natalités, et réactionnaires. La syndicaliste Claire Roblay-Barreau s’est promenée sur la devanture du site : “Moi ce qui m’a marqué c’est que pour tout ce qui est EVARS sur le second degré, la notion de sexualité est totalement absente de la plateforme. On peut se poser la question de l’orientation de la formation”.


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