Le père Victor Dillard : la droiture, le courage, la résistance.
Ce samedi 13 décembre, la cathédrale Notre-Dame de Paris accueillera la béatification de 50 martyrs français de la Seconde Guerre mondiale. Parmi eux, un Blésois : le père Victor Dillard, jésuite, mort à Dachau en 1945. Le lendemain, une messe d’action de grâce sera célébrée par Mgr Jean-Pierre Bestion, évêque de Blois, pour honorer cette figure spirituelle et humaine hors du commun.
À cette occasion, le père Philippe Verrier, prêtre du diocèse de Blois et auteur d’une biographie consacrée à Victor Dillard, revient sur la trajectoire exceptionnelle de ce jésuite resté fidèle jusqu’au bout à sa mission : servir les hommes au nom du Christ.
Père Philippe Verrier © Florian MativetPour le père Philippe Verrier, Victor Dillard incarne une force morale rare : « Sa vie symbolise la droiture, le courage, la résistance. »
S’il n’est pas résistant au sens strict, son parcours pendant les années sombres du XXᵉ siècle porte le sceau de l’engagement total. Envoyé par ses supérieurs à Vichy au début de la guerre, il y assure un ministère discret mais essentiel auprès des fonctionnaires parisiens réquisitionnés, qu’il appelle avec humour « le camp de prisonniers de Vichy ».
Une jeunesse brillante dans une famille hors du commun
Né en 1897 à Blois, Victor Dillard grandit dans une famille nombreuse et remarquable. Les Dillard comptent sept garçons, tous anciens élèves de Notre-Dame-des-Aydes, et plusieurs sœurs également brillantes.
Polytechniciens, poètes, médecins, militaires… chacun suit un chemin d’excellence. L’un des frères introduira même en France les premières machines à écrire Remington. Victor, lui, s’illustre par son intelligence vive et une scolarité brillante. Il semblait promis à Polytechnique, un regret qu’il conservera, même si la guerre va profondément bouleverser ses plans.
Le choc de la Grande Guerre et la naissance d’une vocation
Comme tant de jeunes de sa génération, la Première Guerre mondiale bouleverse sa vie. Engagé, lui aussi confronté à l’horreur du front, il revient survivant mais meurtri. C’est en Pologne, à Wloclawek, alors qu’il sert dans l’armée d’occupation, qu’une intuition intérieure s’impose : il deviendra jésuite. Cette vocation tardive n’avait rien d’évident dans sa jeunesse. Mais l’après-guerre laisse chez lui un sentiment profond de vanité des plaisirs et l’appel à un engagement radical au service du Christ.
Ordonné prêtre en 1931 à la cathédrale de Blois — fait exceptionnel pour un jésuite — il entre pleinement dans une vie où discipline et obéissance guideront son tempérament fougueux.
La Seconde Guerre mondiale : chef de guerre, évadé, puis prêtre volontaire
En 1939, Victor Dillard est capitaine de réserve. Lors de la débâcle, il prend sous son commandement près de 600 hommes. Avec un simple canon de 47, ils parviennent à neutraliser 19 chars de la division Guderian.
Mais faute de munitions, il doit négocier la reddition.
Fait prisonnier deux fois, il parvient à s’évader, voyage déguisé en agent de la SNCF, et rejoint finalement Vichy, où ses supérieurs l’envoient poursuivre son ministère.
Lorsque le Service du travail obligatoire (STO) envoie de nombreux jeunes Français en Allemagne, les évêques demandent de pouvoir les accompagner : refus des autorités nazies.
Victor Dillard n’accepte pas cet abandon forcé. Il part alors clandestinement comme prêtre volontaire, se faisant passer pour ouvrier électricien.
Il travaille dix heures par jour dans une usine à Vöckel puis, le soir, sillonne les camps alentour pour rencontrer, soutenir, confesser et accompagner les jeunes travailleurs français. Cette mission héroïque lui vaudra d’être dénoncé comme prêtre clandestin, arrêté, emprisonné à Barmen puis déporté à Dachau. Ignorant ce qui l’attend, il demande même à recevoir son « costume brun » pour « arriver bien habillé à Dachau ». Quelques minutes seulement après son arrivée, il est vêtu de la tenue rayée des déportés.
Le père Victor Dillard meurt le 12 janvier 1945, d’épuisement et de septicémie, quelques mois avant la libération du camp.
Un témoignage pour notre temps
En reconnaissant son martyre, l’Église honore un homme dont la fidélité, le courage et la générosité ont traversé les épreuves les plus sombres du siècle.
Pour le père Verrier, la figure du père Dillard reste profondément actuelle :
« Il a choisi le bien, il s’est donné à fond, il a donné sa vie. »



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