Le pape Léon XIV s’exprime sur la doctrine sociale de l’Église
Le pape Léon XIV présente la doctrine sociale de l’Église comme «un instrument de paix et de dialogue pour construire des ponts de fraternité universelle».
Leon xivRerum Novarum
Ce samedi matin 17 mai, dans la Salle Clémentine du Palais Apostolique, le Saint-Père Léon XIV a reçu en audience les membres de la Fondation Centesimus Annus Pro Pontifice à la fin des travaux de Assemblée Générale Annuelle.
Cette Fondation est une institution pontificale établie le 5 juin 1993 par le pape Jean-Paul II. Elle tire son nom de l’encyclique Centesimus Annus, publiée en 1991 à l’occasion du centenaire de Rerum Novarum. Rédigée par le pape Léon XIII en 1891, elle a marqué un tournant dans la doctrine sociale de l’Église.
Audience avec la Fondation Centesimus Annus Pro Pontifice
Avec l’aide de Vatican News, nous publions ci-dessous le discours que le Pape a adressé aux personnes présentes lors de l’audience :
Discours du Saint-Père
Bonjour à tous ! Buongiorno !
Chers frères et sœurs, bienvenue !
Je remercie le Président et les membres de la Fondation Centesimus Annus Pro Pontifice et je salue tous ceux d’entre vous qui participez à la Conférence internationale annuelle et à l’Assemblée générale.
Le thème de votre conférence cette année – « Dépasser les polarisations et reconstruire la gouvernance mondiale : les fondements éthiques » – va au cœur de la signification et du rôle de la Doctrine sociale de l’Église, instrument de paix et de dialogue pour construire des ponts de fraternité universelle. En ce temps pascal, nous reconnaissons tout particulièrement que le Ressuscité nous précède même là où l’injustice et la mort semblent l’avoir emporté. Aidons-nous les uns les autres, comme je l’exhortais le soir de mon élection : « à construire des ponts, par le dialogue, par la rencontre, en nous unissant tous pour être un seul peuple toujours en paix ». Cela ne s’improvise pas : c’est un tissage dynamique et continu de grâce et de liberté que nous renforçons également aujourd’hui, en nous rencontrant.
L’héritage de Léon XIII
Déjà le pape Léon XIII – ayant vécu une époque de profondes et bouleversantes transformations – avait cherché à contribuer à la paix en stimulant le dialogue social : entre le capital et le travail, entre la technologie et l’intelligence humaine, entre les différentes cultures politiques, entre les nations. Le pape François a utilisé le terme de « polycrise » pour évoquer la gravité de la conjoncture historique que nous vivons, où convergent guerres, changements climatiques, inégalités croissantes, migrations forcées et contrariées, pauvreté stigmatisée, innovations technologiques disruptives, précarité du travail et des droits. Sur ces questions majeures, la Doctrine sociale de l’Église est appelée à fournir des clés d’interprétation qui mettent en dialogue science et conscience, apportant ainsi une contribution essentielle à la connaissance, à l’espérance et à la paix.
En effet, la Doctrine sociale nous apprend qu’il est plus important que les problèmes, ou que les réponses qu’on leur apporte, la manière dont on les aborde, avec des critères d’évaluation et des principes éthiques, et avec l’ouverture à la grâce de Dieu.
Vous avez l’opportunité de montrer que la Doctrine sociale de l’Église, avec sa propre vision anthropologique, entend favoriser un véritable accès aux questions sociales : elle ne prétend pas brandir la vérité absolue, ni sur l’analyse des problèmes ni sur leur résolution. Sur ces sujets, il est plus important de savoir s’en approcher que de donner une réponse hâtive sur les causes ou les solutions. L’objectif est d’apprendre à affronter les problèmes – toujours nouveaux – car chaque génération apporte de nouveaux défis, de nouveaux rêves, de nouvelles interrogations.
Une culture de la rencontre
Nous avons là un aspect fondamental pour la construction d’une « culture de la rencontre » à travers le dialogue et l’amitié sociale. Pour la sensibilité de nombreux contemporains, les mots « dialogue » et « doctrine » semblent opposés et incompatibles. Peut-être, lorsque nous entendons le mot « doctrine », pensons-nous à la définition classique : un ensemble d’idées propres à une religion. Et cette définition donne l’impression qu’il n’est pas permis de réfléchir, de remettre en question, de chercher de nouvelles alternatives.
Il est donc urgent de montrer, à travers la Doctrine sociale de l’Église, qu’il existe un autre sens, prometteur, du mot « doctrine », sans lequel même le dialogue se vide. Ses synonymes peuvent être « science », « discipline » ou « savoir ». Ainsi entendue, toute doctrine se reconnaît comme le fruit d’une recherche et donc d’hypothèses, de voix, d’avancées et d’échecs, par lesquels elle cherche à transmettre un savoir fiable, ordonné et systématique sur un sujet donné. De cette manière, une doctrine ne se réduit pas à une opinion, mais constitue un chemin commun, choral et même multidisciplinaire vers la vérité.
L’endoctrinement est immoral, il empêche le jugement critique, porte atteinte à la liberté sacrée du respect de la conscience – même erronée – et se ferme à toute nouvelle réflexion car il refuse le mouvement, le changement ou l’évolution des idées face à de nouveaux problèmes. À l’inverse, la doctrine, en tant que réflexion sérieuse, sereine et rigoureuse, entend nous enseigner d’abord à savoir nous approcher des situations et, plus encore, des personnes. Elle nous aide aussi à formuler un jugement prudentiel. Ce sont le sérieux, la rigueur et la sérénité que toute doctrine, y compris la Doctrine sociale, doit nous enseigner.
Humaniser la la révolution numérique
Dans le contexte de la révolution numérique en cours, la mission d’éduquer au sens critique doit être redécouverte, rendue explicite et cultivée, en luttant contre les tentations contraires, qui peuvent aussi affecter le corps ecclésial. Le dialogue manque autour de nous ; dominent les paroles criées, souvent les fausses nouvelles et les thèses irrationnelles d’une minorité bruyante. L’approfondissement et l’étude sont donc fondamentaux, tout comme la rencontre et l’écoute des pauvres, trésors de l’Église et de l’humanité, porteurs de points de vue rejetés, mais indispensables pour voir le monde avec les yeux de Dieu. Ceux qui naissent et grandissent loin des centres de pouvoir ne doivent pas seulement être instruits dans la Doctrine sociale de l’Église, mais reconnus comme ses continuateurs et ses actualisateurs : les témoins de l’engagement social, les mouvements populaires et les diverses organisations catholiques de travailleurs sont l’expression des périphéries existentielles où l’espérance subsiste et germe toujours. Je vous recommande de donner la parole aux pauvres.
Scruter en permanence les signes des temps
Chers amis, comme l’affirme le Concile Vatican II, « il appartient à l’Église de scruter en permanence les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Évangile, afin de répondre, de manière adaptée à chaque génération, aux questions permanentes des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relations mutuelles » (Constitution pastorale Gaudium et spes, 4).
Je vous invite donc à participer activement et avec créativité à cet exercice de discernement, en contribuant au développement de la Doctrine sociale de l’Église avec le peuple de Dieu, en cette époque de profonds bouleversements sociaux, en écoutant et dialoguant avec tous. Il existe aujourd’hui un fort besoin de justice, une quête de paternité et de maternité, un profond désir de spiritualité, surtout chez les jeunes et les marginalisés, qui ne trouvent pas toujours de canaux efficaces pour s’exprimer. Il y a une demande croissante de Doctrine sociale de l’Église à laquelle nous devons répondre.
Je vous remercie pour votre engagement et vos prières pour mon ministère, et je vous bénis de tout cœur, vous, vos familles et votre travail. Merci !



