Diplomatie : ce qui attend le pape Léon XIV

1,4 milliard de catholiques écoutent sa parole. Le pape est un guide spirituel pour beaucoup de croyants. Face à des relations internationales tendues, le chef de l’Église catholique occupe un rôle diplomatique très important.

Si les croyants écoutent avec ardeur la parole pontificale, les chefs d'États, eux, choisissent celle qui sert leurs intérêts. Que le pape soit un médiateur, ou qu’il prenne position, les relations internationales s’en tiennent souvent au personnage qu’il décide d’incarner.

Le pape François et la diplomatie des "périphéries"

"Vous êtes dans le monde, mais vous n’êtes pas du monde". Est-ce dans cette phrase biblique que réside le rôle du pape ? Un homme d’influence, dont la parole est écoutée, mais qui doit rester en retrait. Le pape François, décédé le 21 avril 2025 à 88 ans, a laissé derrière lui la trace d’un pontificat en cohésion avec son époque.

Pape du Sud, "il a voulu privilégier les périphéries par ses visites", décrypte Jan de Volder, historien titulaire de la chaire « Religions, conflits et paix ». Dans ce qu’il appelle les périphéries, François a renforcé la place de l'Église des pays en développement, plutôt que celle de l’Occident.

Dès 2014, le pontife joue un rôle clé dans le réchauffement des relations entre les États-Unis et Cuba, "un exemple de la manifestation des périphéries", selon Marie Gayte, maître de conférence en civilisation des Etats-Unis, à l’université de Toulon. Selon la chercheuse, "pour Cuba, le fait que le Vatican en la personne du pape François ne soit pas aligné avec les États-Unis et qu’il soit perçu comme neutre, a permis de débloquer la situation". 

Maître en la matière du dialogue, le pape François a “aidé à éviter le choc des cultures”, estime Jan de Volder. En 2019, la thèse de Samuel Huntington va même plus loin : des peuples qui s'enferment dan une identité conduit irrémédiablement au conflit. "Le rideau de velours de la culture a remplacé le rideau de fer de l’idéologie" avait déclaré le chercheur, estimant que nous entrions dans un "choc des civilisations". 

À la fin du pontificat de Benoît XVI, les relations entre le Vatican et les sunnites d'Al-Azhar au Caire sont au plus bas. “Le pape François a su renouer cette relation. Il est allé au Caire, il a reçu le grand Imam à Rome", raconte le chercheur. L’historien témoigne à titre personnel des marques de gratitude que ses amis musulmans lui ont montrées à la mort de François. "Ça, c’est quelque chose qu’un pape peut faire mais qu’un chef d’État ne peut pas faire."

Quand la parole du pape s’arrête aux frontières

"Bâtisseur de ponts", le pape a pour mission d’unir les Hommes entre eux. Si son rôle de diplomate n’est plus à prouver, la diplomatie de François s’est heurtée à celle de Donald Trump. Depuis leur première rencontre, la relation des deux chefs d'États a été rythmée par les critiques de l’un, les invectives de l’autre. Cette phrase de François pendant la campagne présidentielle américaine de 2017 en est la preuve : "une personne qui veut construire des murs et non des ponts n’est pas chrétienne”.

"Ces tensions reflètent des fractures assez nettes au sein du catholicisme américain", analyse Marie Gayte. L’exemple des États-Unis est révélateur d’un pays dans lequel l’État autant qu’une partie des croyants est en conflit idéologique avec le Vatican. Notamment "sur les questions de migrations, sur la question du climat et de l’environnement", énumère l’universitaire.

"On suit le pape quand sa parole convient. Quand elle ne convient pas, on l’ignore", une prérogative de certains chefs d’États, selon Jan de Volder. L’accord signé entre le Vatican et la République Populaire de Chine en 2018 en témoigne. La mission d’unité du pape se heurte au pouvoir chinois, qui décide encore aujourd’hui des nominations des évêques, lorsque ce rôle appartient normalement au Saint-Siège.

Le fait d’être chef d'État n’est qu’un instrument dans sa palette d'outils de pape.

Aussi, si les États-Unis se veulent être le gendarme du monde, le pape, lui, en est certainement l’arbitre. Jean-Benoît Poulle, historien et vaticaniste, doctorant en histoire moderne, affirme que "le Vatican est un État observateur à l’ONU". Le pape ne peut être actif diplomatiquement qu’en coulisse. “Le fait d’être chef d'État n’est qu’un instrument dans sa palette d'outils de pape”, estime-t-il, reconnaissant ainsi sa valeur spirituelle.

Chef d’un territoire de 44 hectares, le pape est loin de se limiter à sa fonction spirituelle. L'élection du pape Léon XIV à la une de l’actualité est représentative de son influence. Dans sa main, il tient un réseau diplomatique important. Chaque paroisse est une antenne, chaque antenne informe le Saint-Siège, qui tient le pape au fait de chaque heure que vit le monde.