
Les grandes vacances commencent ce vendredi pour plusieurs millions d’écoliers. Des enfants, qui pour certains, partiront en vacances, mais ne seront pas forcément les bienvenus partout. Les hôtels, restaurants, clubs de vacances ou encore campings réservés aux adultes se multiplient un peu partout dans le monde. La France est aussi désormais concernée par cette vague du "no kids" même si elle est encore minoritaire.
Le "no kids" en vacances est une tendance en provenance des pays anglo-saxons et d’Asie. Postérieure à la pandémie de Covid, elle est encore embryonnaire en France. Mais ce type d’offre touristique adulte se développe quand même. Il suffit de se rendre sur n’importe quel site de réservation en ligne pour le constater.
La Haut commissaire à l’enfance, Sarah El Haïry, s’alarmait dès le 15 mai dans les colonnes du Figaro, puis auprès de nos confrères du Parisien. Elle se dit "effrayée" du développement d’espaces où les enfants sont interdits d’accès. "En excluant des enfants, on exclut leurs parents et on exclut les familles. C’est une charge et une pression supplémentaires sur les épaules des parents. Quand vous commencez à interdire, l'accès aux enfants, ça dit quelque chose d'une société qui est malade" explique Sarah El Haïry.
C’est aussi une question d’ordre juridique de discrimination. L’article 225-1 du Code pénal interdit "toute distinction opérée entre les personnes physiques, sur le fondement de leurs origines, leur sexe, leur situation de famille, leur âge". Les établissements concernés flirtent donc avec la légalité en créant des espaces "uniquement pour les adultes" et non ouvertement "interdits aux enfants". Le 27 mai, Sarah El Haïry a organisé une réunion avec les professionnels du tourisme. Mais ils ont tendance à éluder la question. Contacté par RCF, le syndicat des tour-opérateurs répond que "ce n’est pas vraiment un sujet". L’Union des métiers de l’hôtellerie et de la restauration (UMIH) ne s'étend pas non plus. "Pour nous, il s’agit d’une niche marketing et il ne nous revient pas de juger un choix commercial d’un hôtelier" indique le service communication.
En filigrane au phénomène, on voit poindre la petite musique du : "c’était mieux avant" avec "des enfants sages comme images". "Cela marque encore la représentation qu'on peut avoir de l'enfant, mais la réalité est beaucoup plus complexe" analyse Grégoire Borst, chercheur en neuroscience et spécialiste de psychologie du développement de l’enfant à l’université Paris Cité. "Or, c'est tout à fait normal, surtout quand il est jeune, qu'un enfant ait des difficultés à rester assis pendant tout un repas, parfois à maîtriser le volume de sa voix. Cela fait partie d’un apprentissage" , précise-t-il. Le paradoxe, c’est qu’en excluant les enfants pour créer des espaces uniquement dédiés aux adultes, on ne facilite pas leur apprentissage en société. “Les enfants ont besoin d'être dans des contextes dans lesquels ils interagissent avec d'autres adultes en dehors du cercle familial et scolaire pour apprendre à calibrer leur comportement en société” précise Grégoire Borst. Par ailleurs, le périmètre d'action des enfants dans l'espace public s’est très réduit au fil des années essentiellement pour des raisons sécuritaires contribuant ainsi à une “invisibilisation des enfants aux yeux des adultes” rappelle le chercheur.
Ce qu'on demande aujourd'hui aux enfants, n'est pas exactement la même que ce qu'on demandait aux enfants il y a 50 ans. "Les modes de parentalité sont très différents. Ils étaient plus autoritaires il y a 50 ans, qu'aujourd'hui, avec évidemment des comportements différenciés chez les enfants. Donc, on voit bien que c'est surtout une perception des adultes sur les enfants" souligne Grégoire Borst. Le débat sur le développement d’espace "no kids" est aussi parallèle avec celui sur l’éducation positive, avec ses bienfaits comme ses dérives. Tout un discours sur l’enfant s’est aussi construit en négatif ces dernières années et pour la Haut commissaire à l’enfance, il faut en retour construire "un vrai mouvement pro famille". "Un enfant qui vit, un enfant qui rit. C'est juste l'avenir de toute notre société. Donc un peu de bienveillance, ça passe aussi par le fait de valoriser et d'assumer la place des enfants dans notre société et notre espace public" conclut-elle.
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