Le mot de la semaine : rhume
Personne ne passe une vie sans avoir au moins une fois « attrapé » un rhume, le plus souvent en hiver. Jean Pruvost a choisi ce mot pour nous éclairer sur cette petite misère.
Jean Pruvost © Pascal HausherrJ’hésitais hier dans le choix du mot, mais je me suis tout soudain décidé pour ce mot bizarre, le « rhume », fort incommodant et en principe sans gravité. « Il a un rûme qui le travaille fort », écrit Richelet en 1680 dans son Dictionnaire universel, orthographiant le coupable r û m e.
Furetière et Richelet
Quelle définition en donne-t-il alors : « Fluxion qui vient ordinairement au cerveau et qui incommode la poitrine », et d’ajouter « Ce rûme est fâcheux, un grand rûme » est-il ajouté. Qu’en dit Furetière, en 1690 ? Rien, tout d’abord, sauf si on le déniche dans une autre orthographe le rheume, ce tracas de santé étant défini de manière crue : « Pituite qui tombe du cerveau, qui fait moucher et cracher, qui fait tousser, et qui altère la parole. » Furetière, qui a la volonté constante d’offrir quelques précisions supplémentaires, souligne que « les rheumes qui tombent sur la poitrine sont dangereux. » et que « les autres rheumes qui ne sont pas violents servent à décharger le cerveau ». Furetière inquiète ses lecteurs enrheumés. « Le froid enrûme » dit Richelet. Aucun doute. Ce à quoi Furetière ajoute, prolixité oblige, que « le passage du froid au chaud est ce qui enrheume », en somme si on prend la formule au pied de la lettre, il vaut mieux rester dans le froid, le passage du chaud au froid aurait été plus convaincant. Quoi qu’il en soit, attention au vent : « Le vent coulis enrheume les hommes ». Furetière compatissant, nous met par ailleurs en garde : « quand on se dégarnit trop tôt, on est en danger de s’enrhumer », et allez savoir pourquoi, il juge bon d’offrir un dernier exemple : « Ce Prédicateur s’est enrheumé à force de crier contre les vices. », dernier exemple qui laisse perplexe. Sans doute a-t-il prêché en plein vent, on espère que ce n’est pas dans le désert.
L'étymologie du mot
L’orthographe du rhume fut fluctuante comme on vient de le constater, écrit tout simplement d’abord r u m e, il fut victime d’une réfection en partant du latin et du grec qui à la fin du XVIe siècle l’affuble d’un h. C’est en réalité du bas latin rheuma, désignant le flux de la mer mais aussi par vilaine analogie un catarrhe, une inflammation (du grec katarrhos, écoulement). Le rhume s’installe ains dans le droit fil du mot grec, au fil de l’eau est-on tenté de dire, puisqu’il s’agit du grec rheuma, eau qui coule, sens qui s’est spécialisé en médecine. D’où le nez qui coule, tout cela ayant pour ancêtre le verbe grec rhein, couler. Quoi qu’il en soit difficile d’évoquer avec gravité une maladie, tant le rhume est hélas banal. « Moi quand j’ai un embêtement, je m’enrhume toujours », affirme Montherlant dans Olympe, en 1924. De mon côté, je n’ai pas d’embêtement, mais c’est certain, les verbicrucistes disent vraiment juste pour nous faire deviner le mot « rhume » : « Dégât de la narine » constatent-ils !


Jean Pruvost, lexicologue passionné et passionnant vous entraîne chaque lundi matin dans l'histoire mouvementée d'un simple mot, le mot de la semaine !



