L'art de la manoeuvre
Des centaines de milliers de personnes ont manifesté mardi dans toute la France contre la réforme des retraites, à l'appel pour la première fois de l'ensemble des syndicats.
On le voit, réformer la France n’est assurément pas une sinécure. D’autres, avant l’exécutif actuel, ont partagé cette ambition et ont rencontré des difficultés comparables. Devant la montée des contestations, beaucoup ont dû revoir leur projet à la baisse.
De ces expériences douloureuses, rares sont ceux qui ont pourtant accepté d’en tirer des leçons et beaucoup persévèrent allègrement dans le bégaiement.
Par exemple dans la réforme des retraites en cours…
Tout plaidait en sa faveur : les exigences d’équité et la nécessité d’assurer l’équilibre des caisses. Elle risque pourtant aujourd’hui de finir dans les sables, minée par des compromis boiteux.
Si la pertinence d’une réforme des retraites n’est pas en cause, il convient donc s’interroger sur l’enchainement des maladresses qui ont conduit aux blocages actuels.
On passera très vite sur l’inexpérience politique de l’exécutif en place. Il a conquis le pouvoir à la hussarde en étant très discret sur ses réelles intentions.
La sortie de l’ambiguïté – libérer les énergies du pays sans trop se soucier de l’équité de la politique conduite alors qu’on avait promis les deux « en même temps »- s’est traduite par l’exacerbation des fractures sociales et territoriales qui ont conduit au mouvement des « gilets jaunes ». Première erreur.
Ce mouvement des gilets jaunes à peine éteint, l’exécutif - saisi par une forme de retour du refoulé – a prétendu dans le même mouvement supprimer les régimes spéciaux et rallonger la vie professionnelle avec l’instauration d’un âge d’équilibre à 64 ans, reculant de 2 ans le droit à une retraite pleine. Cette boulimie réformatrice est un rêve de technocrate, mais certainement une stratégie politique raisonnable qui impose un art de la manœuvre. Seconde erreur
L’aveuglement a été tel qu’il a permis de refonder l’unité syndicale. Elle a conduit à une forte mobilisation sociale, à un quasi blocage du pays, à l’annonce des difficultés économiques pour de nombreux secteurs d’activité. Les syndicats sont invités aujourd’hui à Matignon afin de trouver une sortie de crise avant Noël. Bien improbable. La CGT, FO, la CFE-CGC, Solidaires et la FSU, réclament le retrait pur et simple du projet ce que refuse évidemment le gouvernement.
Ajoutons enfin la légèreté qui a consisté à installer Jean Pierre Delevoye au poste de Haut-Commissaire pour les retraites puis au gouvernement sans vérifier qu’il avait bien abandonné tous ses mandats incompatibles en droit avec une fonction ministérielle. Troisième erreur.
Gouvernement et syndicats se renvoient désormais la responsabilité d'une éventuelle paralysie du pays pendant les fêtes.
Rien n’indique pour l’instant que ce ne sera pas le cas.
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