
Les négociations à propos d’un cessez-le-feu en Ukraine se sont déroulées à Djeddah, en Arabie Saoudite. Pour le conflit Israélo-palestinien, elles se sont déroulées à Riyad. Des nouvelles places de négociation proche et moyen orientales sont devenues des carrefours des diplomaties internationales. Analyse de la mue de ces nouveaux pays médiateurs avec Pascal Boniface, géopolitologue, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
L'Arabie Saoudite et la Turquie sont devenues les nouvelles places de négociation, les carrefours des diplomaties internationales. On se souvient de la rencontre à Washington entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump et son vice-président, qui n'avait abouti à rien. Aucun accord n'avait été conclu. Pourtant, mardi 11 mars, un compromis a finalement été trouvé à Djeddah, en Arabie Saoudite. Pour le conflit Israélo-palestinien, elles se sont déroulées à Riyad, la capitale saoudienne.
L'Arabie Saoudite et son prince héritier Mohamed Ben Salmane occupent une place stratégique sur la scène internationale. D'une part grâce à sa position géographique, puisqu'elle englobe une très grande partie de la péninsule arabique et dispose d'un accès à la mer Rouge et au golfe Persique, qui sont deux points géographiques centraux, pour le commerce comme sur le plan stratégique. D'autre part, l'Arabie Saoudite est le deuxième producteur mondial de pétrole, ce qui lui assure une économie solide et la rend puissante et incontournable pour les entreprises pétrolières.
L'Arabie Saoudite veut occuper une place de plus en plus importante sur la scène diplomatique
et montrer qu'elle a d'excellentes relations avec Vladimir Poutine et Donald Trump,
qui en fait un de ses alliés prioritaires avec Israël dans la région
Ces dernières années, elle s'impose comme une place diplomatique où se font les négociations. "L'Arabie Saoudite veut occuper une place de plus en plus importante sur la scène diplomatique et montrer qu'elle a d'excellentes relations non seulement avec Vladimir Poutine, mais également avec Donald Trump, qui en fait un de ses alliés prioritaires avec Israël dans la région", explique Pascal Boniface, directeur de l'Iris.
La fixation des cours du pétrole dépend en grande partie d'une entente et d'un accord entre Mohamed Ben Salmane et Vladimir Poutine. "Il n'est pas sans influence sur Vladimir Poutine, donc on peut penser que le président ukrainien espère que le prince héritier saoudien jouera de son influence pour amener Poutine à faire quelques concessions, notamment sur un cessez-le-feu et sur la fin des combats", souligne le géopolitogue.
De plus, Mohamed Ben Salmane entretient une bonne relation avec Donald Trump. Ainsi, grâce à ses amitiés avec le président américain et Vladimir Poutine, l'héritier saoudien place son pays au cœur de la balance des négociations. Faisant de l'Arabie Saoudite un pays médiateur des deux conflits russo-ukrainien et israélo-palestinien.
Tout comme l'Arabie Saoudite, la Turquie d'Erdogan est devenue au fil du temps, un pays incontournable de la scène internationale. Sa position géographique, au carrefour de l'Europe et de l'Asie Mineure, fait de la Turquie une puissance souveraine majeure. Elle dispose également de grandes richesses minières qui lui donne un important terrain de commerce avec les autres pays du monde.
La Turquie veut parler avec tout le monde et s'est rendue
incontournable. Elle fournit des armes à l'Ukraine, maintient
un lien avec la Russie. Et elle sait que chacun doit faire avec elle
Membre de l'OTAN depuis 1952, elle défend avec constance la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine depuis le début de l'invasion russe, mais sans rompre le contact avec Moscou, ni se joindre aux sanctions occidentales, ce qui lui ménage une position unique en Europe. Elle a choisi la stratégie du multi-alignement. "La Turquie veut parler avec tout le monde et s'est rendue, elle aussi, incontournable. Elle fournit des armes à l'Ukraine, maintient un lien avec la Russie, a empêché les navires russes de passer par les détroits des Arènes et du Bosphore pour rejoindre la mer Noire. Et elle sait que, finalement, chacun doit faire avec elle, et même lorsqu'elle s'en prend aux intérêts des uns et des autres", relate Pascal Boniface.
Difficile dans ce contexte, pour les démocraties européennes, de se placer comme négociatrices car elles ont pris le parti de l'Ukraine. Ainsi, de nouvelles puissances émergent comme pays médiateurs et négociateurs de paix. "Ils permettent d'avoir un lieu neutre puisqu'ils ne sont pas engagés dans les conflits. Les Ukrainiens et les Russes peuvent y venir sans avoir à donner l'impression qu'ils cèdent à l'autre. Ces pays ont l'avantage, on ne prend pas en compte la nature de leur régime, on tient juste compte du fait qu'ils peuvent apporter une aide efficace dans une négociation", poursuit l'expert en relations internationales.
Ces pays ont l'avantage, on ne prend pas en compte
la nature de leur régime
L'émergence de ces nouvelles puissances médiatrices remodule l'ancien équilibre des pouvoirs dans le monde. "'Nous ne sommes pas les Occidentaux, nous sommes différents, et c'est en cela qu'on apporte quelque chose que les Occidentaux ne peuvent pas apporter'. Malgré les difficultés économiques, on a assisté à une montée en puissance diplomatique de la Turquie, et malgré les critiques sur les droits de l'Homme, on assiste à une montée en puissance diplomatique de l'Arabie Saoudite", souligne le géopolitogue. Qui affirme que, désormais, ces deux pays sont devenus incontournables.
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