Nous sommes à l'Euro. Je suppose que vous le savez, si vous écoutez la télévision ou lisez les journaux. Moi, aujourd'hui, je vais vous parler de ce qui se passe au dernier échelon de la province, à partir d'un texte que Louis Dubois avait publié dans l'Appel.
Je vous le livre en intégralité. Et donc pas de traduction littérale de mon texte cette fois. Mais c'est si juste, ce qu'il raconte.
Le foot, c'est pour les hommes (Louis Dubois. )
Bien peu de femmes jouent au football. Très peu sont aussi arbitres. Et elles sont largement minoritaires le long des terrains... Un texte qui a inspiré un de mes premiers textes : Au fotbal.
Dimanche après-midi. Il fait froid. Le match de football va commencer. Il oppose les équipes de deux villages voisins. En bon français, on appelle ça un "derby". Mais chaque dimanche, c'est presque toujours un derby, dans cette catégorie. On est en provinciale, tout en bas du tableau, ou presque. Le football, ici, c'est en régionale. Les joueurs se connaissent. Les spectateurs aussi.
Tous des hommes.
Ils sont une quarantaine, ce qui n'est pas mal par les temps qui courent. Tous regroupés à proximité de la buvette : sait-on jamais, s'il on avait besoin d'un petit remontant. On n'est jamais assez prudent. Tous des hommes. Sauf une femme, que l'on reconnaît uniquement à la voix aiguë. Et qui soutient son joueur de fils, le meilleur sur le terrain. Il ira loin, vous verrez.
Et ils parlent. De tout, sauf du match. De Bilde, là, quelle affaire ! (note : du vilain coup qu'il avait asséné à un joueur adverse et l'avait gravement blessé au visage). Incroyable ! Mais il ne faut pas s'en faire pour lui. De toute façon, il s'en tirera. En haut, ils s'arrangent entre eux. Si c'était dans un petit club comme le nôtre... Nous, on est bon pour payer les taxes à l'Union belge.
Tout à coup, des cris et quelques bravos. Un goal ! Qui a marqué ? Ah bon ! Mais c'est normal, il est là pour ça ! Mais l'arbitre, alors ! En français courant, on dit "referee" (à prononcer si possible avec au moins quatre accents aigus). Non pas qu'il privilégie une équipe plutôt que l'autre, mais il siffle quand il ne faut pas et il ne siffle pas quand il faut. Un incapable. Et ils sont tous les mêmes. Mais pour en revenir à De Bilde...
Pas pour les fillettes.
De nouveau un cri. C'est la voix aiguë. Son fiston est allongé au sol. Sauvagement assassiné par un adversaire qui lui a tiré dans le dos. Le préposé aux soins intensifs s'approche avec un seau d'eau et une éponge, et il lui frictionne la jambe. Le fiston se relève, comme Lazare sortant de son tombeau. Il secoue ses bandelettes et fait quelques pas en boitant. Tout de même. Puis, il court reprendre sa place. Un audacieux risque une remarque : "Le foot, c'est un sport viril, ce n'est pas fait pour les fillettes !". Heureusement, la voix aiguë n'a rien entendu.
On abandonne De Bilde à son triste sort pour parler des filles. C'est vrai qu'il y a peu d'équipes féminines de football. Il y a bien quelques filles qui jouent avec les tout-petits, mais ce sont des gamins manqués. C'est bien connu. On voit aussi de temps en temps une femme qui est juge de ligne. Mais pas d'illusion, elles sont pires que les hommes.
A la buvette
Pendant ce temps, sur le terrain, l'homme arbitre vient de siffler énergiquement la fin du match. On se dirige vers la buvette. Des ventres bien portant se clouent contre le comptoir. On se porte bien au football. Les verres de bière s'alignent sur la tablette. A chacun sa tournée, ça promet ! Mais c'est pour la caisse du club. Et la conversation reprend : le Standard qui a encore perdu, la soirée d'hier soir au dancing, la nouvelle voiture qu'on a commandée. C'est tout ça le football.
Derrière eux, deux tables de femmes. Les compagnes des joueurs, qui ne sont pas sorties de la buvette. Il fait trop froid. Elles ont jeté un coup d'oeil à la fenêtre, mais avec toute cette buée. Et elles parlent de la commission Dutroux. Il est beau, hein, Verwilghen ? Pendant que les enfants courent dans les jambes des grands. Les joueurs rentrent du vestiaire, posent leur sac et se dirigent vers le comptoir. Sauf un, intercepté, qui fait demi-tour. Il faut toujours obéir à la femme arbitre. Aux tables, les regards sont admiratifs. Puis une voix s'élève : "A propos, qui a gagné ?"
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