Internet a plus que jamais des allures de Far West. Avec la démocratisation de l’IA, la toile est le terrain de jeu idéal pour les cybercriminels. Depuis quelques années, des sites copient les médias traditionnels. Ils fonctionnent sans journalistes et trompent les lecteurs avec des fake news produites à un niveau industriel. Ce mercredi en France, une première contre-attaque judiciaire est attendue.
Depuis sa création, les arnaques, les usurpations d’identité et les plagiats pullulent sur Internet. Désormais, avec l'intelligence artificielle, ce type de cybercriminalité a pris une dimension industrielle. Pour influencer le débat public, user de la confiance ou discréditer un journal, l’on voit apparaître de plus en plus de faux sites de média.
Cette menace est déjà dévastatrice. Le tribunal de Paris doit rendre une décision concernant l’un des sites les plus frauduleux : News.DayFr.com, accusé de "dérober" et de republier automatiquement des articles de presse, selon l’AFP. Une quarantaine de journaux français, avec l’Apig (Alliance de la presse d’information générale), ont demandé le blocage du site et l’obligation pour les fournisseurs d’accès de le déréférencer.
Pour fonctionner, les faux sites falsifient les vrais médias. Ces arnaques fonctionnent sans journalistes et sans rédactions et ne se privent pas de tromper les lecteurs en partageant massivement des fake news.
Perfusés par l’intelligence artificielle, les sites dérobent ainsi des articles publiés par de véritables médias et les reproduisent automatiquement. Les “faux médias” portent souvent des noms génériques (ex. : iBusiness Day, Ireland Top News, Daily Time Update) qui ressemblent à ceux de sites d’actualité classiques.
Chaque jour plus de 6.000 articles sont automatiquement dérobés.
Ces faux médias sont reconnaissables par leur mise en page rudimentaire et du contenu massivement formaté. Ils peuvent afficher de fausses équipes de rédaction, avec des profils et des photos inventés, le tout chorégraphié par l'intelligence artificielle. L’IA permet d’aspirer les publications de presse, de les reformuler ou de les traduire automatiquement, sans intervention et à un rythme surhumain. Un de ces faux sites, News.DayFR.com, "parasite le monde de l’information en publiant chaque jour plus de 6.000 articles automatiquement dérobés", soit 4 par minute, selon Libération.
Dans la continuité de leurs falsifications, les sites peuvent contenir de fausses affirmations, des infox sur la mort de célébrités, des événements inventés ou présenter de vieux événements comme récents.
Ces sites sont des catalyseurs de la désinformation. Souvent dans l’onglet “Actualités” de Google et mis à côté des sites de médias traditionnels, ces sites pirates sont en plein essor et constituent un défi majeur pour l’écosystème de l’information, déjà fragilisé.
L’objectif de ces sites d'arnaques est de générer du trafic pour obtenir des revenus publicitaires. Rien que sur l’internet francophone, il existerait “au moins un millier de sites nourris de contenus d’actualité débités en tout ou partie par des IA” identifiés par le média Libération et le média spécialisé Next. L’entreprise NewsGuard dédiée à apporter “plus d'informations aux personnes sur les sources des informations qu'elles découvrent en ligne” a recensé plus de 1.250 sites d’informations non fiables produits par l’IA dans 16 langues, dont le français.
Ces faux sites sont aussi responsables d’importants trafics d’influence. Le fait le plus marquant a eu lieu l’an dernier aux États-Unis, dans la période des élections présidentielles états-uniennes. NewsGuard avait identifié à quelques mois du scrutin quelques 1.265 publications d’informations locales partisanes aidées par l’IA, se présentant comme des médias indépendants. Les faux sites d’informations locales sont désormais plus nombreux que les vrais aux États-Unis, et ils sont souvent générés par l’IA. Ils sont simples et peu coûteux à créer grâce à de nombreuses plateformes, et leur multiplication est facilitée par le renouvellement régulier des noms de domaine.
En France, ils ne relèvent pas, dans la plupart des cas, de stratégies d’influence politique ou de manipulation étrangère, mais d’une logique industrielle de piratage de contenus. En réponse à cette crise de l’information et de la vérité une possible plainte au pénal pour contrefaçon est également étudiée. L’objectif est de “faire un exemple” et d’avertir les auteurs de ce type de sites des risques encourus. Il est cependant difficile de mettre un terme rapidement au phénomène, en raison des délais judiciaires et de la difficulté à traquer les auteurs, souvent à l’étranger.
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