La tornade Trump continue de frapper l’Europe
Les nouveaux droits de douane américains, en passant soudainement de 2,4% à 15%, déstabiliseront certainement l’économie du continent européen à court et moyen terme. En parallèle de ce coup dur, l’Europe fait également l’objet d’attaques politiques ciblées de la part de l’administration Trump. L’Union européenne trouvera-t-elle les moyens de résister à cette nouvelle donne ?
D. Trump/DRCe qu'il faut retenir :
- Après l'épisode des tariffs, Donald Trump continue de faire trembler l'UE
- La Heritage Foundation encourage le Président américain à fragiliser l'UE
- Les pays européens resteront-ils unis face à cette tentative de déstabilisation ?
La fondation qui pense pour Trump
La Heritage Foundation est un puissant organisme dont on ne parle pas beaucoup en Europe. Pourtant, ce groupe de travail et de réflexion (think tank) a une importance considérable. Il est à l’origine de la politique de démantèlement de l’état mise en place depuis janvier aux Etats-Unis par Donald Trump et son cercle proche. A titre d’exemple, ce que le milliardaire Elon Musk a défait pendant son bref tour de piste à Washington était dicté par une feuille de route établie non par lui – comme il le prétendait – mais par cette influente fondation. Il n’est pas seulement question pour cet organe d’influence de modifier le fonctionnement des Etats-Unis, mais de changer l’identité même de ce pays. Son président Kevin Roberts se félicite fréquemment du fait que depuis que Trump est revenu aux affaires « les Etats-Unis connaissent leur deuxième révolution » déclare-t-il à qui veut l'entendre.
L’Europe dans le viseur
La Heritage Foundation a également mis au point une feuille de route visant l’Union européenne (UE). Pour constituer ce programme d’ingérence, la Heritage Foundation a d’abord noué des liens étroits avec deux groupes de travail conservateurs et eurosceptiques : le Mathias Corvinus Collegium (Hongrie) et l’Ordo Iuris Institute (Pologne). Cette collaboration tripartite a donné lieu à un projet de réforme radicale de l’UE intitulé « La grande mise à jour : restaurer la souveraineté des États membres au vingt-et-unième siècle » (The Great Reset: Restoring Member State Sovereignty in the 21st Century).
Feuille de route
Ce plan a été présenté en mars dernier à Washington et validé de facto par la présidence américaine. L’objectif est simple : démanteler la Commission européenne et la Cour de justice de l’UE, les réduire à des organes techniques sans pouvoir politique et, pour finir, renommer l’Union européenne « Communauté européenne des nations » (ECN). Le but ultime de cette dépotentialisation de l’Europe est de revenir au fonctionnement de l’UE en 1957 : la soumettre au primat de la loi nationale et proposer à ses membres une intégration « à la carte ».
Climato-négationnisme
Les premiers chantiers européens qui pourraient faire les frais du travail de lobbying de cette fondation à Bruxelles sont ceux qui concernent la cause climatique. En effet, la Heritage Foundation est un organe ouvertement climato-négationniste, c’est l’un de ses fondements. Alors que le président du Rassemblement National Jordan Bardella vient d’obtenir le poste stratégique de rapporteur du texte européen sur les objectifs climatiques pour 2040, il est une cible de choix pour cet organisme. Au sein des droites nationalistes européennes, le français Bardella fait partie de ceux qui résistent le plus à l’appel des sirènes trumpistes. Au seuil du pouvoir dans son pays, il fait partie de ceux qui auraient le plus à y perdre. Mais la force de frappe de la Heritage Foundation pourrait finir par influer, si pas sur lui, au moins sur son entourage au sein des Patriotes pour l’Europe, le groupe politique qu’il préside au Parlement européen.
From Brussels with love
Sans locaux officiels ni statut juridique à Bruxelles, la Heritage Foundation multiplie les contacts informels avec des eurodéputés et des décideurs de premier plan. Parmi les figures les plus sulfureuses rencontrées récemment par certains lobbystes de la Heritage Foundation, on compte le hongrois Ernö Schaller-Baross ou le tchèque Filip Turek. Tous deux sont membres, comme Jordan Bardella, du groupe Patriotes pour l’Europe. Turek, climatosceptique, adepte des saluts nazis et collectionneurs d’objets à l’effigie de troisième Reich, incarne parfaitement cette nouvelle génération de populistes européens qui prennent directement leurs ordres de Washington.
Démantèlement politique
La Heritage Foundation tisse également des relations d’influence avec des profils plus lisses, sur base d’un discours policé et d’un état des lieux en onze points pouvant mettre d’accord un panel moins radical de décideurs européens. Parmi ces points, les principaux sont les suivants : « L’UE est devenue une institution qui se mêle de tout au détriment des souverainetés nationales. (..) La Cour européenne de justice ne cesse d’étendre sa juridiction (..) Le parlement européen rogne sur la capacité des états à gouverner en toute indépendance, etc. ». Avec ce discours assez banal, la Heritage Foundation ratisse large et tente de rallier les opposants à l’Europe plus ou moins extrêmes sous une seule tutelle stratégique, la sienne. C’est ce projet Frankensteinien d’une Europe des nations, pilotée par Washington, que la Heritage Foundation tente d’imposer à l’Europe.
Et demain ?
L’Europe est ressortie affaiblie par l’épisode des droits de douanes qui s’appliquent depuis le premier août à hauteur de 15% de la valeur de la majorité des biens européens exportés aux Etats-Unis. L’Europe en tant qu’union politique saura-t-elle résister au projet de fragilisation politique piloté par Washington ? Il est trop tôt pour le dire mais il est clair qu’un affaiblissement de Donald Trump sur le plan intérieur pourrait offrir à l’UE un répit bienvenu.
Julien Bal


L’émission qui, chaque semaine, vous donne les clés pour comprendre l’Europe et vous amène à la rencontre des actrices et acteurs qui en font battre le cœur.
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