La théologienne Marie-Jo Thiel
Comment penser la tempête que traverse actuellement l’Eglise catholique ? Pourquoi tant de prêtres abuseurs ? Pourquoi tant de dissimulations ? Comment en sommes-nous arrivés là ?
Marie-Jo Thiel, est médecin, philosophe, théologienne. Elle travaille depuis plus de 20 ans sur la question des abus sexuels dans l’Eglise catholique. Elle vient de publier un livre qui fera date et référence, "L’Église catholique face aux abus sexuels sur mineurs" aux éditions Bayard.
"Le cléricalisme, un abus de pouvoir"
"Dans toutes les institutions où il y a des enfants, il y a un risque. Nous ne sommes pas les seuls. Dans l’Eglise, il y a des tentations supplémentaires, et c’est doublement scandaleux. Il y a le fait que l’Eglise accueille des enfants, et il y a aussi le fait que certains savent utiliser l’Evangile ou des paroles importantes de l’Eglise par des distorsions cognitives pour n’être pas seulement dans l’abus sexuel, mais également dans l’abus de pouvoir, l’abus spirituel" explique Marie-Jo Thiel.
Pour Marie-Jo Thiel, le cléricalisme, dont on a beaucoup parlé ces derniers temps, ne résume probablement pas tout. "Mais il est un abus de pouvoir. Il y a une séparation trop marquée entre les hommes et les femmes, entre les clercs et les laïcs alors que nous sommes tous des baptisés et que nous avons tous un rôle dans le peuple de Dieu. Il y a des efforts à faire à ce niveau-là. Le cléricalisme est un abus de pouvoir va induire des relations qui ne sont pas saines et qui vont aboutir à des cercles vicieux très préjudiciables pour tout le monde" ajoute-t-elle.
Comprendre le traumatisme chez les victimes pour prendre la mesure du problème
Dans son livre, la philosophe n’hésite pas à parler de "phénomène systémique". "Ce n’est pas simplement de l’ordre d’un phénomène ponctuel. Il faut comprendre pourquoi on en est arrivé là. Pour essayer de faire comprendre toute la complexité, beaucoup d’élément sociétaux vont jouer, mais aussi beaucoup d’éléments sur la conception du prêtre, le fonctionnement de l’Eglise, celui de la Curie romaine, l’absence des femmes dans les postes décisionnels. Il faut repenser toute la gouvernance de l’Eglise catholique" lance-t-elle.
En 2000, Marie-Jo Thiel était la première à avoir dénoncé devant les évêques à Lourdes les abus sexuels dans l’Eglise. "J’en garde un souvenir très précis. Ce qui m’a étonné, c’est d’abord la commission qui avait été créée pour préparer cette rencontre. Dans cette commission, les évêques n’avaient pas du tout conscience de ce qu’était la pédophilie perverse. Ils ne comprenaient pas. Ils étaient très sincères au départ. Ils pensaient qu’en demandant au prêtre de ne pas recommencer, il ne le ferait plus, en toute bonne foi" lance-t-elle.
"Il y a 20 ans, il s’agissait surtout de protéger les prêtres. Ils ont mis beaucoup de temps à comprendre ce qu’est le traumatisme au niveau des victimes. Aujourd’hui ils commencent à comprendre. Cet aspect-là est important car c’est en comprenant le traumatisme chez les victimes qu’ils vont pouvoir prendre la mesure de ce qu’il faut faire, et essayer d’avancer" conclut-elle.
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