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La souffrance sans fin des chrétiens du Nigéria

La souffrance sans fin des chrétiens du Nigéria

Un article rédigé par julien Bal - 1RCF Belgique, le 4 novembre 2025 - Modifié le 16 novembre 2025
L'actualité en débatLa souffrance sans fin des chrétiens du Nigéria

Le président américain menace d'agir militairement au Nigéria pour venir en aide aux chrétiens persécutés. De quoi les chrétiens du Nigéria souffrent-ils ?

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Ce qu'il faut retenir :

  • Au Nigéria, près de 150 prêtres et séminaristes ont été enlevés au cours des dix dernières années.
  • Le climat de terreur fomenté par des groupes djihadistes s'intensifie.
  • La population chrétienne n'est pas la seule victime de l'intensification des violences.

La situation actuelle au Nigeria : complexité et enjeux

Le Nigéria est le pays le plus peuplé d’Afrique, il traverse plusieurs crises superposées. Depuis plus d’une décennie, dans le nord-est, Boko Haram et des groupes djihadistes apparentés sévissent avec une violence extrême. Leurs exactions ont fait plus de 40 000 morts et déplacé plus de deux millions de personnes depuis 2009, selon les estimations des Nations unies.

Par ailleurs, au centre et au nord-ouest du pays, des bandes armées terrorisent les habitants des zones rurales, s’emparent de terres sous la menace, s’adonnent à des enlèvements et au pillage des exploitations agricoles. La dimension religieuse fait partie de leur arsenal discriminatoire, même si musulmans et chrétiens souffrent de ces exactions. 

Les ONG et associations internationales présentes sur place documentent de nombreux cas d’abus et de justice dysfonctionnelle, comme celui de Rhoda Jatau : une mère chrétienne emprisonnée 19 mois sans raison avant d’être acquittée. Comme le cas du musicien soufi Yahaya Sharif-Aminu, toujours en attente d’un jugement après une condamnation à mort pour un message WhatsApp jugé blasphématoire. Près de 150 prêtres et séminaristes ont été enlevés au Nigéria au cours des dix dernières années. Et aujourd'hui, les exactions et brutalités connaissent indéniablement une accélération. 

Le 2 septembre dernier par exemple, dans le centre du pays, une femme chrétienne a été brûlée vive par une foule pour avoir prétendument blasphémé contre le prophète Mahomet. La question du blasphème est un argument que la justice nigériane semble tolérer lorsqu'elle doit juger de telles exactions. C’est aussi un argument qui sert de moyen d’oppression des chrétiens qui pourtant ne sont pas en minorité : ils sont aussi nombreux dans le pays que les musulmans, à hauteur de 45% de la population. Dans les instances gouvernementales cela dit, ils sont clairement minoritaires et peinent à faire entendre leur voix. 

Une lumière nouvelle sur une situation pourrissante 

Si ces troubles sont anciens, pourquoi les médias s'emparent-ils à nouveau de ce sujet ? Parce que le président américain dicte l'agenda médiatique, depuis au moins un an. Cette fois-ci, il menace de priver le Nigéria de l'aide humanitaire américaine (déjà drastiquement réduite) et d’intervenir militairement pour voler au secours des chrétiens. 

Les images choc de sols d’églises ensanglantés qui nous parviennent via les médias sociaux n’y sont certainement pas pour rien. Les autorités nigérianes, elles, rappellent que leur constitution garantit la liberté de culte et que les communautés musulmanes paient elles aussi un lourd tribut à l’insécurité, notamment à l'occasion de fêtes religieuses. Le gouvernement nigérian conteste clairement la lecture trumpienne des faits et refuse l’idée d’un génocide chrétien, soulignant la nécessité que les Etats-Unis respectent la souveraineté nationale et la diversité confessionnelle du pays. 

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Ce que dit Trump et ce qu’il pourrait faire

Sur son réseau Truth Social, Trump dénonçait récemment des milliers d'assassinats de chrétiens, imputant ces massacres aux « islamistes radicaux » qui sèment la terreur au Nigéria. Mais selon les spécialistes, les victimes des groupes extrémistes sont aussi des musulmans et, au-delà des motifs religieux, les conflits sont souvent motivés par des questions d’accès aux ressources et aux terres.

Face à la pression d’associations évangéliques américaines et de certains élus conservateurs, la menace d’une intervention militaire ou de sanctions américaines reste, pour le moment, à l’état de rhétorique. Aucun plan opérationnel n’a été rendu public pour à ce jour. 

Les exagérations de Trump pourraient fausser, à terme, la compréhension que l'on peut avoir de la situation au Nigéria. Quand le président Trump sera passé à autre chose (ce qui est en fait déjà le cas depuis l'élection du maire de New York qui le défie ouvertement) ses approximations pourraient faire du tort à la probable résolution de cette situation (indéniablement préoccupante). Pour être potentiellement résolue, cette crise nécessite en effet une pression internationale, mais avec des moyens bien plus complexes que ceux que Trump évoque. 

Instrumentalisation du dossier nigérian

En brandissant ce dossier, Donald Trump fait-il semblant de faire de la diplomatie en ne s'occupant en réalité que de politique intérieure américaine ? En liant la défense des chrétiens au Nigeria à la lutte contre le « radicalisme islamique », le président américain s’adresse en tout cas d’abord à sa base électorale en lui offrant le récit simplifié d’une Amérique protectrice des chrétiens dans un monde hostile à leur foi. Il avait pourtant promis au pan souverainiste de son électorat de ne plus engager le pays dans un conflit. Avec ces déclarations le système Trump, bicéphale et souvent opportuniste, atteint ici une limite. 

La réalité complexe du Nigeria — entre violences intercommunautaires et conflits fonciers — risque de disparaître de nouveau, ces prochains jours, dans les limbes des médias, après avoir fait l'objet d'une narration simplifiée et anxiogène. Plus subtil dans ses analyses, le Vatican souligne que la crise nigériane est grave, mais qu'elle est sociale et sécuritaire avant d'être religieuse. 

Julien Bal (1RCF Belgique)

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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