JavaScript is required
Accueil
La reconnaissance des victimes adultes, l’un des chantiers du nouveau pape : l’histoire de sœur Samuelle

La reconnaissance des victimes adultes, l’un des chantiers du nouveau pape : l’histoire de sœur Samuelle

Un article rédigé par Stéphanie Gallet - RCF, le 9 mai 2025 - Modifié le 9 mai 2025
EffervescenceSoeur Samuelle : la mosaïque pour réparer les victimes d'abus

Les victimes adultes d’abus et d'agressions dans l’Église catholique sont les grandes oubliées du précédent pontificat. L’histoire de sœur Samuelle, maltraitée au sein des Fraternités monastiques de Jérusalem puis victime du père Marko Rupnik en est un exemple édifiant.

Sœur Samuelle, artiste mosaïste. © DeschanelSœur Samuelle, artiste mosaïste. © Deschanel

À l'occasion du lancement du projet de film La Symphonie des tesselle, la religieuse et artiste sœur Samuelle est revenue sur son parcours au sein des Fraternités monastiques de Jérusalem et auprès du père Marko Rupnik. De longues années marquées par les abus spirituels et sexuels dont elle commence aujourd'hui à se relever grâce entre autres à la pratique de la mosaïque.

Des premières années sous la coupe des Fraternités monastiques de Jérusalem

Sœur Samuelle n’avait que 21 ans quand en septembre 1997, elle rentre chez les Fraternités monastiques de Jérusalem. Elle répond alors à un appel ressenti vers l'âge de 12 ans. Devenir religieuse est une évidence pour elle, une façon d’accomplir sa vie et d’être pleinement heureuse mais assez rapidement les choses vont déraper. C’est insidieux, la pression mentale est très forte, elle doit surveiller en permanence sa façon d’être avec les autres sœurs, sous peine de nourrir le soupçon d’homosexualité que portent ses responsables envers elle.

Sœur Samuelle parle d’abus de confiance mais aussi d’abus spirituels car une séance de confession avec Pierre-Marie Delfieux, le prêtre  fondateur des Fraternités, est au cœur de ce processus de manipulation. Une confession et des mots qui la plongent dans un état de sidération. A partir de ce moment-là, elle va souffrir d’un profond  malaise et présenter de nombreux troubles psychiques mais la seule réponse de la congrégation, sera de lui proposer un exorcisme...

Au bout de neuf ans,  elle n’est plus que l’ombre d'elle-même. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive mais surtout elle se sent coupable d’être si mal. Aujourd’hui, avec du recul, elle peut analyser et poser des mots sur ce qu’elle traversait : un état de choc post-traumatique.

Le piège Rupnik

Elle croit trouver son salut en 2006, en partant à Rome participer à la fondation d’une nouvelle communauté, elle ignore encore qu’elle est fin prête pour se jeter dans les griffes du Père Marko Rupnik.

Dans ces années-là, Marko Rupnik est la référence en matière d’art sacré au Vatican. Il a fondé un centre autour de la mosaïque et sœur Samuelle qui avait fait des études artistiques avant de devenir religieuse ne va pas tarder à y entrer.

Ce qu’elle raconte est terrifiant et décrit bien comment un prédateur enferme sa victime dans une relation d’emprise. Pour sœur Samuelle, la confusion va devenir totale Marko Rupnik est à la fois son chef d’atelier, son patron mais aussi  un prêtre qui petit à petit prend la place de son père spirituel … Il exige qu’elle lise ses livres, qu’elle le rejoigne dans son appartement tard le soir, seul moment où il serait disponible et puis il y a eu des gestes … Des mains qui se glissent dans son dos, jouent avec son soutien-gorge alors qu’ils sont perchés à dix mètres du sol sur un échafaudage… Sœur Samuelle vit à nouveau dans la peur. Il faut l’entendre raconter le sentiment d’impunité et de toute puissance de Marko Rupnik pour comprendre l’emprise et comment un homme peut prendre possession de la vie et de l’esprit d’une personne.

Léon XIV va-t-il s’emparer du cas Rupnik ?

A l’été 2014, sœur Samuelle trouve la force de fuir et revient en France. Mais fuir ne suffit pas à sa guérison, les symptômes de ses différents traumatismes sont toujours là, de plus en plus visibles et l’obligent à reconnaître sa situation et à se soigner. 

Parallèlement elle va découvrir qu’elle n’est pas seule. Des dizaines de femmes souvent religieuses ont été agressées par Marko Rupnik et commencent à se faire connaître. Son mode opératoire est toujours le même : d’abord l’abus de confiance, ensuite l’abus spirituelles, enfin des agressions sexuelles allant parfois jusqu’au viol.

Marko Rupnik a été chassé des jésuites mais il est encore prêtre et vit tranquillement à Rome. Les victimes attendent toujours l'annonce d’un procès canonique.

Dans l'héritage de son prédécesseur, le nouveau pape Léon XIV trouvera donc deux sujets épineux qu'il lui faudra bien affronter : d'abord  la question des victimes majeurs : il n'y a pas que des enfants qui ont été maltraités par des prêtres ou des religieux, et on a trop eu tendance à nier leur trauma, et ensuite le cas Rupnik que François n'a jamais complètement désavoué… Et certains se rappellent qu'il n'avait fallu que quelques jours à Benoît XVI pour régler le cas de Marcial Maciel, multi-agresseur sexuel, fondateur des Légionnaires du Christ et proche de Jean Paul III.

Un grand projet pour porter la voix des victimes

En attendant, sœur Samuelle continue sa guérison. Elle vit désormais comme ermite au sein du diocèse de Troyes. Elle se dit pleinement religieuse et pleinement artiste. Elle  témoigne que la recherche de Dieu était chez elle suffisamment profonde, suffisamment ancrée pour persister malgré les traumatismes.

Aujourd’hui elle lance le projet d’une grande fresque collective en mosaïque pour dire la souffrance des victimes d’abus dans l’Eglise catholique. Elle rappelle que les mosaïques de Rupnik que l’on peut voir dans un grand nombre d’églises à travers le monde, ces mosaïques, étaient des lieux d’agression et d’abus. Ces fresques sont aujourd’hui difficilement démontables, sœur Samuelle propose d’apposer dessus un morceau de sa propre mosaïque. Il s'agit pour elle de promouvoir ainsi une culture de la  réparation, recoller les morceaux de sa vie mais aussi de celles d’autres victimes.  Cette fresque fera l’objet d’un film qui sortira en 2026 : La Symphonie des tesselles pour lequel un financement participatif est organisé.

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Effervescence
©RCF
Découvrir cette émission
Cet article vous a plu ?
partager le lien ...

Pour aller plus loin

Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour

RCF vit grâce à vos dons

RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation  de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.

RCF
toujours dans
ma poche !
Téléchargez l'app RCF
Google PlayApp Store
logo RCFv2.14.0 (21796db) - ©2024 RCF Radio. Tous droits réservés. Images non libres de droits.