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"La femme aux cheveux roux" d’Orhan Pamuk

RCF,  - Modifié le 18 mars 2019
Christophe Henning présente chaque semaine un livre qui vient d'être publié, et aujourd'hui c'est "La femme aux cheveux roux" d’Orhan Pamuk, publié chez Gallimard.
Fanny Cohen MoreauFanny Cohen Moreau

Alors que s’ouvre ce soir le salon du livre de Paris, je n’avais que l’embarras du choix, et c’est le livre d’Orhan Pamuk qui m’a convaincu. Un roman qui sort aujourd’hui, alors que le Nobel de littérature 2006 est à Paris pour cette grande fête de la littérature. Comme à son habitude, l’écrivain turc campe des personnages complexes, dans des situations ordinaires, aux destinées par banales

Le jeune Cem, pour payer ses études, devient le temps d’un été apprenti d’un maître puisatier. Son père, emprisonné pendant quelques années pour ses opinions politiques, est revenu puis parti pour vivre sa vie avec une autre femme que la mère de Cem. Bref… Maître Mahmut devient vite la référence pour l’étudiant : homme de l’art, qui creuse aussi bien les entrailles de la terre que le secret des âmes. C’est l’été de toutes les découvertes, sans oublier le coup de foudre pour "la femme au cheveux roux", amour fou d’un soir pour un jeune homme qui à la suite d’un accident sur le chantier, prend la fuite vers ses études…

Un roman initiatique, mais pas seulement : c’est plus compliqué chez Orhan Pamuk…

Deuxième partie, on retrouve le narrateur trente ans plus tard, heureux en affaires, heureux en amour même s’ils n’ont pas d’enfant. L’occasion pour Pamuk de décrire l’explosion urbaine d’Istanbul, la ville se déploie, les promoteurs s’acoquinent avec le pouvoir, et notre héros ingénieur géologue qui se rêvait écrivain reste hanté par l’été de ses 17 ans… C’est le mythe occidental d’Oedipe qui l’obsède, mais aussi la légende persane de Rostam et Sohrab, quand le fils tue le père, ou l’inverse, le père tue le fils. Le roman devient tragique, tout simplement parce que, nous dit l’auteur : "les choses que vous entendez dans les contes populaires et les anciens mythes finissent par arriver". On ne s’invente pas son destin, et si, selon le narrateur, "le mieux est de faire comme si de rien n’était", selon le narrateur, le passé finit souvent par nous rattraper.

Un roman qui a du souffle, une vraie histoire…

Une histoire puissante, avec des airs de Balzac dans la description minutieuse de la société stambouliote mais aussi des accents de Dostoïevski laissant ses personnages torturés par la culpabilité, égarés par les évènements : "je me disais que la vie, notre présence en ce monde, était une chose bien étrange", confie le héros. Ce livre, c’est enfin un hommage aux légendes, au livre, au récit, aux histoires qui se répètent et qu’on se raconte : "Ces histoires sont vivantes. Elles continuent de circuler parmi nous, de manière éparse, sous d’autres formes" confie le narrateur qui voulait être écrivain : "Je pourrais réfléchir et coucher par écrit toutes les images et les émotions que je n’arrive pas à exprimer". C’est cela la littérature !
 

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