La “décivilisation” : comprendre un concept au cœur des inquiétudes contemporaines
“Décivilisation”, c’est le mot qu’avait employé Emmanuel Macron en mai 2023 durant un Conseil des ministres. Il faisait alors référence à plusieurs faits divers pour interpeller la société sur la violence qui ronge les mœurs. Pour essayer de décrypter cette notion, Gaël Brustier, essayiste, politologue et conseiller politique, auteur de La Route de la décivilisation (Cerf)
Gaël BRUSTIER © RCF/ Radio Notre DameLe sociologue et écrivain Norbert Elias s'était intéressé durant la première moitié du XXe siècle à l’évolution des sociétés à partir de dimensions fondamentales comme l’intériorisation des normes, la maîtrise des émotions ou le contrôle de la violence. Il essaye de comprendre les multiples interdépendances qui fondent le lien social. Gaël Brustier voit dans la décivilisation une dégradation de ces normes sociales.
Le tournant de 2008
La civilité n'est pas naturelle, elle est apprise, transmise, instituée, comme se tenir à table, dire “bonjour madame” ou laisser sa place dans le métro. Selon le conseiller politique, les années 80 à 2010 ont été marquées par une période de relatif consensus au sein de la société. “La vie sociale était, somme toute, très peu marquée par la violence, où les luttes armées en Europe de l’Ouest avaient presque totalement disparu.”
C’est le détonateur qui favorise l’implosion de tout le système sur lequel nous vivions pendant 30 ans, sur le bloc historique qui était le nôtre.
Il observe depuis 2008 un mouvement inverse, marqué par des mouvements de destruction et l'effritement progressif des grandes forces civilisatrices de nos démocraties. “C’est le détonateur qui favorise l’implosion de tout le système sur lequel nous vivions pendant 30 ans, sur le bloc historique qui était le nôtre.” La crise a touché le champ de la production, économique, des idées, des représentations électorales. Les équilibres des différents territoires ont été profondément bouleversés, explique Gaël Brustier.
La brutalisation des rapports
Par l'absence d'un système alternatif une solution par défaut s’est imposée, selon le politologue, celui de la brutalisation. “Brutalisation des rapports interpersonnels, des rapports interétatiques, des rapports inter idéologiques, où on ne débat plus, on veut annihiler l'adversaire.”
Le christianisme social ne doit pas se laisser happer par le mouvement, le showroom des colères individuelles.
À l’inverse de cette tendance, l’élection du pape Léon donne un signe d'espoir pour Gaël Brustier. Il y voit un pape porteur de paix sur plusieurs continents. “Le christianisme social ne doit pas se laisser happer par le mouvement, le showroom des colères individuelles.” Le politologue appelle à se concentrer sur les “bons combats” : la pauvreté. “À un moment donné, il faut s'occuper du quotidien et de ce qu'il y a de plus proche de nous. Si vous n'essayez pas un minimum de civiliser votre propre rue, ça ne servira pas à grand-chose.”


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