En douze ans de pontificat, le pape François aura marqué la vie de l'Église de son empreinte en suscitant parfois des incompréhensions. Pour les traditionalistes, son pontificat a été vécu comme une épreuve. Contrairement à celui du pape allemand Benoît XVI, qui avait libéralisé la messe en latin avec le motu proprio Summorum pontificum. Avec Christophe Geffroy, rédacteur en chef du mensuel La Nef, retour et explications sur la relation compliquée entre le pape François et le monde de la tradition.
Si Benoît XVI représentait l'idéal pontifical pour les traditionalistes, ce fut loin d'être le cas de celui du pape François. Avec un autre motu proprio, (une lettre apostolique) le pape François, du vivant de Benoît XVI, est revenu sur le régime d'exception (autorisant la célébration de la messe traditionnelle) de 2007 en l'abrogeant en 2021 avec "Traditionis Custodes". Cette abrogation avait suscité la réaction de nombreux traditionalistes. Parmi eux, Christophe Geffroy, le rédacteur en chef du mensuel La Nef, essaye d'établir des ponts entre le monde traditionnel et l'Église. "Nous avons toujours eu le souci d'œuvrer pour la paix dans l'église et notamment la paix liturgique", souligne-t-il.
Le prédécesseur du pape François, Benoît XVI, avait la ferme intention d'œuvrer à la réconciliation interne dans l'Église. D'une part avec elle-même et avec son passé et donc pas uniquement avec les traditionalistes. Il disait : "on ne peut pas dénigrer ce que l'Église a aimé dans le passé et qu'une Église vivante et forte doive l'assumer et ne pas rejeter ce qui a fait sa gloire et sa grandeur". Le pape François a récusé l'œuvre de son prédécesseur et a donc contribué à renforcer la difficile relation entre l'Église et le monde traditionaliste. "Il a balayé d'un revers de main tout ce qu'avait fabriqué Benoît XVI ", rappelle Christophe Geffroy. Aujourd'hui, les traditionalistes se retrouvent dans une situation qui est presque pire que celle d'après 1988. Où la qualification de messe en forme extraordinaire se retrouve dans un vide juridique complet.
Il a balayé d'un revers de main tout ce qu'avait fabriqué Benoît XVI.
En 2021, avec un autre motu proprio, le pape François avait abrogé ce qu'avait dit son prédécesseur à travers son "Traditionis Custodes". Cette abrogation avait suscité de nombreuses réactions des traditionalistes qui ont donc pour certains rejeté le concile. Selon Christophe Geffroy, le pape François a manqué de nuance en publiant son livre "Traditionis Custodes". Il a voulu corriger certains travers, mais s'est aussi "mis à dos" une grande partie du monde traditionaliste.
Cela a provoqué une grande incompréhension et injustice au sein du monde traditionnaliste.
"La grande majorité des fidèles qui assistent à la liturgie traditionnelle sont des jeunes qui n'ont même pas lu le concile et ne savent pas de quoi il s'agit", souligne le rédacteur en chef de La Nef. "Tous ces gens-là qui représentent à mon sens la majorité du monde traditionnel ont été punis", insiste-t-il. Ils sont les premiers montrés du doigt et subissent "les foudres du motu proprio du pape." Alors que ceux qui sont les plus rigides, comme par exemple ceux appartenant à la fraternité Saint Pie X, n'ont pas tellement été impactés par le "Traditionis Custodes". Au contraire, ils ont reçu les libéralités du pape. Cela a provoqué une grande incompréhension et injustice au sein du monde traditionaliste et du clergé.
Après la publication du motu proprio "Traditionis Custodes", certaines communautés traditionalistes comme la fraternité Saint-Pierre ont demandé une audience avec le pape François. Cette audience a permis le dialogue entre les deux interlocuteurs. Elle a abouti à une exemption du motu proprio. "François les a confirmés dans leur charisme de pouvoir célébrer la forme extraordinaire", explique Christophe Geffroy. Pour le rédacteur en chef du mensuel La Nef, la clé pour résoudre ce conflit qui ne date pas d'hier entre le monde traditionaliste et l'Église réside dans le dialogue. "Il faudrait que les gens apprennent à mieux se connaître, échanger, parce que les deux messages sont importants à comprendre", affirme-t-il. "Le monde traditionaliste et la messe traditionnelle sont une chance pour l'Église, j'en suis absolument persuadé. Elle doit être saisie par les évêques", insiste-t-il.
La clé pour résoudre ce conflit qui ne entre le monde traditionaliste et l'Église réside dans le dialogue.
Les interlocuteurs du monde traditionaliste sont monseigneur Lebrun, archevêque de Rouen et monseigneur Leborgne, évêque d'Arras. Ils ont été nommés par la Conférence des évêques de France pour dialoguer par exemple avec les supérieurs de communautés comme celle de la Fraternité Saint-Pierre ou celle de l'Institut du Bon Pasteur. Dans le conclave qui s'ouvrira mercredi 7 mai, le cardinal Sarah serait le plus à même de représenter le monde traditionaliste. Car "il a une véritable empathie pour ce monde-là, il le connaît bien", rappelle Christophe Geffroy. S'il est nommé, il pourra donc mettre en place un véritable dialogue essentiel à la réconciliation entre le monde traditionaliste et l'Église.
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