La chasse au sanglier s'intensifie en Maine-et-Loire
La saison de la chasse s'est ouverte le 21 septembre dernier en Maine-et-Loire. Des chasseurs angevins qui ont intensifié leur chasse aux sangliers, en surpopulation depuis des années. Des chasseurs qui, phénomène nouveau, attirent de plus en plus de jeunes, et de femmes. On en parle avec Philippe Justeau, président de la fédération départementale des chasseurs de Maine-et-Loire et des Pays de la Loire.
Philippe Justeau, président de la fédération de chasse de Maine-et-Loire ©RCF Anjou 2023RCF : Philippe Justeau, il y a deux ans, sur cette antenne, vous nous aviez confié que la Fédération départementale des chasseurs de Maine-et-Loire avait dû s'acquitter de 400 000 euros d'indemnisation auprès des agriculteurs pour les dégâts causés par les sangliers dans leurs champs. Où en est-on aujourd'hui ?
Philippe Justeau : Il diminue progressivement. Depuis trois ans, nous œuvrons sans relâche pour réguler les populations de sangliers, avec le concours de l'État et des agriculteurs. Je tiens d'ailleurs à souligner que notre collaboration avec la Chambre d'Agriculture, la FNSEA et les autres associations agricoles est étroite, car il est évident que ce problème ne peut être résolu qu'avec l'aide du monde agricole.
RCF : L'État vous avait fixé un objectif de réduction de ces dégâts de l'ordre de 30 % sur trois ans. Le contrat est rempli ?
Philippe Justeau : Nous n'en sommes pas très loin, puisque nous nous situons aux alentours des 320 000 euros de dégâts. Les prélèvements de sangliers ont considérablement augmenté. Si l'ouverture générale de la chasse a eu lieu il y a deux semaines, la chasse au sanglier, elle, est désormais autorisée en période dite "anticipée", et ce, depuis le mois de juin. Chiffre notable, 2 000 sangliers ont été abattus durant cette période anticipée, dont la moitié à l'approche et à l'affût, ce qui constitue une pratique nouvelle pour le Maine-et-Loire.
RCF : Ça c'est un changement fondamental pour vous ?
Philippe Justeau : Auparavant, les prélèvements en période anticipée étaient quasi inexistants, c'est une pratique que nous commençons à peine à adopter. Si vous prélevez les sangliers avant qu'ils ne commettent des dégâts, la logique veut qu'il y ait moins de dommages.
RCF : Cette nouvelle organisation de chasses et de battues, c'est beaucoup de travail pour vous ?
Philippe Justeau : C'est un défi considérable, car il exige la plus grande prudence. Cette période est celle où les champs sont les plus fréquentés, par les travailleurs et par les promeneurs. Mais tout se passe bien en Maine-et-Loire pour l'instant. Nous approchons les 8 500 sangliers prélevés, un chiffre absolument énorme ! Le problème, c'est qu'il faut réagir vite, nous devons intervenir dès que des dégâts sont signalés, alors que certains chasseurs ne sont pas toujours prêts ou avaient planifié une chasse à une autre date.
RCF : Rappelons le principe pour nos auditeurs : la Fédération de chasse indemnise les agriculteurs pour les dégâts causés par les sangliers. Vous êtes donc, en quelque sorte, désigné responsable de cette surpopulation ?
Philippe Justeau : C'est un "présent" que nous fit Madame Voynet il y a fort longtemps, qui nous accorda le droit de chasser en contrepartie du paiement des dégâts. À l'époque, les dommages causés par le grand gibier étaient encore faibles, et nous n'avions d'autre choix que d'accepter. Il faut savoir que nous réglons l'intégralité des dégâts aux agriculteurs, expertisés non par nous, mais par des estimateurs issus du monde agricole.
RCF : Que faites-vous de toutes ces carcasses de sangliers, dont le nombre a, comme vous l'avez dit, considérablement augmenté ?
Philippe Justeau : Pour l'heure, en Maine-et-Loire, nous ne sommes pas trop affectés par une "surcharge", car les prélèvements sont bien répartis sur le territoire. Il arrive qu'une battue aboutisse à 13 ou 14 animaux, mais le plus souvent, nous en comptons entre 3 et 5. Les carcasses sont alors distribuées entre les participants et traitées de manière classique.
RCF : Parce qu'aujourd'hui, dans certains départements, y compris dans les Pays de la Loire, des fédérations expérimentent des applications mobiles qui facilitent les dons de ces carcasses qui ne trouvent pas preneurs.
Philippe Justeau : C'est exact. Quelques départements ont recours à cette solution moderne, où les personnes intéressées peuvent se manifester via une application. Nous n'avons pas retenu cette option en Maine-et-Loire, nos chasseurs nous ayant récemment assuré ne pas rencontrer de difficultés pour distribuer le gibier. Il faut cependant savoir que la réglementation sanitaire est très stricte : l'animal doit être donné entier, il est interdit de le débiter en morceaux pour en faire don. La Fédération nationale travaille activement avec les services sanitaires pour assouplir ces règles et faciliter l'écoulement du gibier.
RCF : En maintenant ce rythme de prélèvement, pensez-vous atteindre les objectifs fixés par l'État pour limiter cette surpopulation ?
Philippe Justeau : La clé réside surtout dans la collaboration avec le monde agricole. L'expansion du sanglier n'est pas fortuite, elle est liée aux profondes mutations des pratiques agricoles. Les parcelles de maïs, devenues immenses, constituent de nouvelles forêts pour les sangliers, leur offrant à la fois un refuge impénétrable et une nourriture abondante. Il est impossible de chasser efficacement dans une pièce de maïs de 70 hectares. Nous discutons donc avec les agriculteurs pour trouver des solutions, comme la réduction de la taille des parcelles ou la création de couloirs de tir. Contrairement à l'image parfois véhiculée, nous travaillons constamment main dans la main.
RCF : Dernière question : lors de votre assemblée générale en avril dernier, la question du loup fut évoquée, sa présence officielle ayant été avérée en Anjou fin 2024. Est-ce une source d'inquiétude pour vous ?
Philippe Justeau : Personnellement, non. C'est le monde agricole qui sera de nouveau impacté. Le loup est l'un des plus grands prédateurs qui existent. Un animal magnifique, certes, mais que je crois relativement dangereux. Pour l'heure, en Maine-et-Loire, nous savons que des individus isolés se déplacent, mais nous n'avons pas, à ma connaissance, de meute constituée.


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