La Bretagne, à l’avant garde de la production d’algues en France
Les 23 et 24 novembre, la première édition du salon de l’algue était organisée à la halle de la Courrouze à St Jacques de la Lande. Ce n’est pas un hasard si c’est la Bretagne qui accueille ce rendez-vous. La région domine. Explications.
La première édition du salon de l’algue était organisée les 23 et 24 novembre en Ille-et-Vilaine. ©DE MELO SOUZA BrunaElles sont vertes, brunes ou rouges. Nous les retrouvons échouées sur les plages, dans les cosmétiques ou dans nos assiettes. Et pour certaines, elles viennent directement de Bretagne.
Aujourd’hui, 90 % de la production française d’algues, l’est dans la région. Et pour cause, la Bretagne possède une grande diversité algale. « 700 à 800 espèces différentes d’algues sont référencées dans la région dont une vingtaine sont couramment exploitées, principalement des laminaires, par les goémoniers », détaille Jéhane Prudhomme, chargée de mission au CRPMEM Bretagne, le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins.
Plus de 60 000 tonnes récoltées chaque année via les bateaux
C'est en effet par bateau que se fait la plus grande partie de la récolte : « 60 000 à 70 000 tonnes sont récoltées chaque année » par ce biais, précise Stéphanie Pédron, directrice générale du CEVA, le centre d’études et de valorisation des algues, basé à Pleubian dans les Côtes d’Armor.
L’intégralité de la région bénéficie d’une grande diversité algale pour autant la récolte sauvage est plus importante dans les Côtes d’Armor, le nord-Finistère et la mer d’Iroise.
La ressource est là mais le développement de filières autour de l’algue est aussi lié à l’histoire. Pour Jéhane Prudhomme, « la Bretagne est à l’avant-garde de la production d’algues parce qu’on a eu une récolte d’algues sauvages qui s’est industrialisée dans les années 70 et c’est lié aux entreprises de transformation implantées dans le nord-Finistère et qui produisent de l’alginate qui sert dans les dentifrices, les crèmes desserts ... ».
Des « forêts » d’algues à préserver
Mais avant d’être une ressource à récolter pour ensuite servir aux filières agro-alimentaire, agricole, de santé ou encore de bio-matériaux, ces « champs d’algues » ou encore « forêt » d’algues, restent un maillon essentiel d’un écosystème. Les algues sont « des organismes filtreurs », rappelle Stéphanie Pédron, « avec une capacité à oxygéner le milieu et à capter du carbone ». Les algues sont aussi un habitat essentiel pour des poissons, des crustacés. On s’y nourrit, on s’y reproduit, donc « il y a un enjeu de préservation important », martèle Jéhane Prudhomme.
Cela passe par des récoltes encadrées. Le comité des pêches délivre des autorisations à un nombre précis de bateaux, avec des zones sanctuarisés, d’autres exploitées en fonction de l’état de la ressource. Des collaborations existent également avec Ifremer, la station biologique de Roscoff et le CEVA pour « mieux connaître les cycles de vie des espèces d’algues et comment les exploiter de manière durable », explique Jéhane Prudhomme.
L’impact du réchauffement des eaux sur les algues
D’autant que les menaces existent : le réchauffement des eaux et leur acidification. Et certaines conséquences sont déjà connues. Selon Stéphanie Pédron, « à horizon 2050/2060, il y aura des retraits de volumes de la biomasse de laminaires. Dans ce cadre là, on apportera des éléments pour anticiper les mesures de gestion. Avec le réchauffement des eaux, on va avoir une succession végétale : certaines espèces vont remonter vers le nord. On aura possiblement de nouvelles espèces qu’il faudra domestiquer, connaître, intégrer dans les quotas de pêche ».
De son côté, le parc marin d’Iroise a mis en place un observatoire du changement climatique sur les laminaires. Projet auquel s’est associé le comité régional des pêches et qui vise à voir comment sur les quinze prochaines années, les champs d’algues vont évoluer : « nous voulons savoir quelles algues nous pourrons encore exploiter demain de manière durable. Et nous savons que ce ne sera pas exactement ce que nous faisons aujourd’hui », constate Jéhane Prudhomme.
Un développement de l’algoculture en Bretagne ?
Un autre chantier émerge aussi avec la volonté de développer l’algoculture. Plus question là juste d’aller récolter les algues en mer mais de littéralement cultiver de A à Z les algues, en mer ou à terre. Aujourd’hui « trois à quatre espèces sont cultivées en Bretagne », précise Jéhane Prudhomme. L’enjeu est donc aujourd’hui de domestiquer de nouvelles espèces. Le Ceva est, par exemple, aujourd’hui « la seule plateforme technique qui a la possibilité de faire des expérimentations en mer sur du chontrus crispus », une algue rouge qui comporte des intérêts pour des industriels de différents secteurs. L’analogie entre l’algoculture et l’agriculture est tentante mais Stéphanie Pédron l’explique sans détour : « on essaie d’être vigilant par rapport à ce qu’on a connu en agriculture, pour maintenir ces écosystèmes et les protéger ».


Chaque jour, les rédactions de RCF en Bretagne vous proposent une rencontre avec un acteur local sur un sujet d'actualité. Ne manquez pas le grand invité de Bretagne soir, tous les jours à 18h30.
