La Bible face aux dérives autoritaires : une lecture théologique du pouvoir
La Bible pourrait-elle nous aider à y voir plus clair dans le monde politique aujourd’hui ?
Politiquement, les Écritures ont peut-être quelque chose à nous dire, témoigne James Woody. Il est l’auteur de Liberté et les premiers rois d’Israël, une étude sur la liberté au regard des textes bibliques et des premiers règnes en Israël.
bible © Pexels de PixabayLes questions spirituelles soulevées par les textes bibliques ne sont pas séparables des questions contemporaines. Notre marche du monde, tel qu’il va aujourd’hui, et qu’il ne va pas, fait écho au temps qui nous sépare de la rédaction de ces textes.
En temps de crises, un durcissement des règles
Après les attentats du 13 novembre 2015, James Woody a commencé à observer des droits individuels régresser les uns après les autres. « Je me suis dit, en tant que théologien, est-ce que j’ai les moyens de penser cette régression pour peut-être l’endiguer ? Du coup, je me suis plongé dans les textes bibliques et j’ai constaté que bien des questions, en termes de liberté politique, étaient assumées par les livres de Samuel et les livres des Rois. » Durant l’Ancien Testament, les sociétés ont été confrontées à des régimes politiques qui devenaient autoritaires et faisaient de la liberté une variable d’ajustement, observe le théologien.
J’ai constaté que bien des questions, en termes de liberté politique, étaient assumées par les livres de Samuel et les livres des Rois.
La Réforme protestante, amorcée au XVIᵉ siècle, a permis une redécouverte des textes de l’Ancien Testament et de leur portée politique. « Parce qu’Israël a connu le drame de la chute de Jérusalem, la déportation à Babylone, et les rédacteurs bibliques se sont demandé comment on en était arrivé là. Et ils ont découvert que, dans la monarchie israélite, il y avait un ver, et que cela avait finalement conduit à une société qui s’était effondrée parce que faible. » Par exemple, la première mesure de Salomon consiste à liquider l’opposition. Or, l’opposition est nécessaire pour nous permettre d’atteindre un niveau de vérité et de justice supérieur. Pour James Woody, un régime autoritaire est un régime qui affaiblit une société parce qu’il bride toutes les initiatives individuelles.
Des lois d’exception
Ces restrictions sont le résultat d’une demande accrue de l’opinion publique d’avoir un régime autoritaire, car « ils en ont marre du bordel politique, marre de la bordélisation de l’Assemblée nationale ». Pour James Woody, cette réaction est inquiétante, car un régime fort signe la fin des libertés individuelles. « C’est la fin de l’attitude chrétienne, parce que le chrétien est un homme appelé à la liberté par Dieu. »
Le régime fort, c’est : on impose une ligne, la ligne du parti, la pensée unique. Et ça, ça réduit la capacité d’innovation d’une société.
Le régime se durcit en créant des lois d’exception, des mesures d’exception qui deviennent la règle. « On estime qu’il faudrait finalement quelqu’un qui remette de l’ordre dans tout ce fatras. » Or, selon le théologien, cette pensée est paradoxale, car c’est la liberté qui garantit que chacun puisse apporter sa contribution à l’intérêt général. « Le régime fort, c’est : on impose une ligne, la ligne du parti, la pensée unique. Et ça, ça réduit la capacité d’innovation d’une société. »


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