Jules Grand, un martyr de Haute-Loire béatifié le samedi 13 décembre à Paris
Ce samedi 13 décembre, 50 martyrs, tués par les nazis vont être béatifiés lors d’une célébration à Notre-Dame de Paris. Un prêtre altiligérien est l’un d’eux, l’abbé Jules Grand, originaire de Saint-Julien Chapteuil.
L'abbé Jules Grand mort en 1945 en Allemagne ©DRLe Pape Léon XIV a publié un décret en juin 2025 qui officialise la béatification de 50 catholiques. Ces hommes ont mené leur mission de foi auprès de français envoyés en Allemagne dans le cadre du Service du travail obligatoire, le STO instauré par le Régime de Vichy en février 1943. Ce décret les reconnaît comme « martyrs de l’apostolat », morts « en haine de la foi », c’est-à-dire qu’ils ont été torturés et tués en raison de leur engagement de foi et de leur mission d’Église auprès de ces milliers de jeunes travailleurs français. L’un d’eux est originaire de Haute-Loire, l’abbé Jules Grand.
De Saint-Julien-Chapteuil à Buchenwald, une vie de foi
Jules Grand est né en 1905 à Saint Julien Chapteuil. Il est ordonné prêtre dans le Diocèse du Puy en 1931. Après une année en tant que surveillant du Petit séminaire de La Chartreuse à Brives-Charensac, il devient vicaire de Langeac en 1932 puis à la paroisse Saint-Laurent au Puy-en-Velay. En 1939, au moment où éclate la Seconde Guerre mondiale, il est mobilisé en région lyonnaise dans le 238e régiment d’infanterie. Son parcours en Allemagne débute quelques mois plus tard quand il est fait prisonnier, avec son unité. Il est d’abord interné à Neuf-Brisach dans le Haut-Rhin avant d’être envoyé près de Cologne, dans le camp de travail Stalag VI G.
Dans ce camp il occupe à la fois une mission d’aumônier auprès d’autres captifs et d’infirmier. C’est en 1943 que son destin va basculer. Au mois de février, le Régime de Vichy crée le Service du travail obligatoire, le STO. Des centaines de milliers de jeunes français, nés entre 1920 et 1922 sont réquisitionnés pour travailler en Allemagne. L’Église souhaite les accompagner spirituellement. Certains ecclésiastiques prisonniers de guerre choisissent de devenir des travailleurs civils. C’est le cas de l’abbé Jules Grand. Sous couvert de ce statut de « civil », il anime, comme d'autres, des aumôneries clandestines, organisent des offices car les ecclésiastiques étrangers travailleurs civils ne peuvent pas avoir d’activité spirituelle et les travailleurs étrangers ne peuvent pas assister aux offices religieux. L’abbé Jules Grand peut s’appuyer sur la complicité de clergé allemand pour cette activité mais aussi pour obtenir du matériel.
En décembre 1943, la répression contre les religieux s’amplifie. A l’été 1944, Jules Grand est arrêté. Il est emprisonné et torturé. Il est déporté en septembre au camp de Buchenwald puis est envoyé dans un camp annexe, celui de Langenstein, à 150 km de Buchenwald. Jules Grand est préposé au remplissage de bétonnières pour la création d’une usine d’armement. Il travaille jusqu’à 12h par jour, de jour comme de nuit. Il décède le 16 janvier 1645 après avoir prononcé ces derniers mots : « j’offre ma vie pour la libération des bagnards » et en ayant laissé une boite de cirage à un ami avec des « parcelles d’hosties consacrées » selon l’abbé Louis Brun qui a fait le récit de la captivité dans l’ouvrage De Notre-Dame-du-Puy à Buchenwald.
Un parcours marquant pour sa famille
Le parcours de l’abbé Jules Grand était connu par la famille par bribes pendant de nombreuses années. Ses neveux, Philippe et Jean-Pierre Grand, qui ne l’ont pas connu n’en savaient pas beaucoup jusque dans les années 1980. « Il y avait une retenue parce que ça a été des moments tellement durs pour notre père qui a perdu tous ses proches en l’espace de 2 ans. Il s’est retrouvé seul », explique Philippe précisant que son père n’avait qu’un seul frère, Jules. « Obligatoirement c’est quelque chose qu’il a eu du mal à évoquer ou il a voulu nous protéger, je pense. Dans la vie de tous les jours, les gens ne nous parlaient pas de ça. ». Quand ils étaient enfants, la guerre et la déportation n’étaient pas de sujets beaucoup abordés, presque tabous. Seule chose qu’ils savaient c’est que leur oncle était mort dans un camp de concentration, en raison de la plaque présente dans le cimetière de Saint-Julien Chapteuil.
Philippe Grand habite aujourd’hui dans la maison natale de Jules Grand, une maison « empreinte de cette présence qui n’en n’est pas. Il y a des documents qui peuvent exister, des meubles qui nous rattachent à lui ». Il a commencé à faire des recherches suite à une lettre adressée par le fils d’un autre homme déporté dans les mêmes camps que Jules Grand. Il a appris beaucoup à cette occasion, fait des recherches sur internet et s’est aussi appuyé sur l’étude du Diocèse du Puy pour le procès en béatification. Depuis la fin des années 1980, période où sa famille a appris qu’un procès est en cours, les recherches ont continué et continuent toujours.
La béatification, un moment attendu et qui s’annonce empreint d’émotions
La béatification de Jules Grand et des 49 autres martyrs est très attendue par la famille. « Quand à la fin 1988, des religieuses nous ont parlé qu’il était question, d’un procès en béatification ça a été pour mon père un grand soulagement un épanouissement, quelque chose que malheureusement il ne connaîtra pas mais il est mort avec cet espoir » détaille Philippe Grand. Pour la famille c’est une « grande, grande satisfaction, une fierté familiale ». Ce neveu de Jules Grand élevé dans une culture et des valeurs chrétiennes tient particulièrement à préciser que « c’est surtout son œuvre à lui et quelque part c’est sa foi profonde, cette fierté on lui la laisse, c’est lui qui est aujourd’hui récompensé de tout cet apostolat, ce martyr ».
Ce samedi 13 décembre, 8 membres de la famille de Jules Grand participeront à la célébration de béatification à Notre Dame de Paris. Ce moment ils ne l’auraient raté pour rien au monde. Pour Jean-Pierre Grand ce moment va être d’autant plus fort « dans la nouvelle Notre-Dame, il y a une assemblée, ça va être magnifique ». Une messe d’action de grâce pour Jules Grand sera célébrée le dimanche 14 décembre à 10h au Foyer de Saint-Julien Chapteuil et à 10h30 en l’église Saint-Laurent du Puy-en-Velay. Elle sera suivie de l’inauguration d’une stèle. « Ça sera toujours présent, ça sera gravé dans la pierre » conclue Philippe.
La célébration de béatification à Notre-Dame de Paris sera à suivre samedi 13 décembre à partir de 14h sur RCF.
Témoignage de Philippe Grand à retrouver dans le journal des radios RCF d'Auvergne de ce jeudi 11 décembre à partir de 6 minutes 10.




