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RCF Jean-Luc Pouthier: "la société italienne est profondément démocratique"
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Jean-Luc Pouthier: "la société italienne est profondément démocratique"

RCF,  -  Modifié le 4 juin 2018
Focus sur la situation en Italie, après l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement ouvertement eurosceptique.
Centre Sèvres Centre Sèvres

C’est donc un nouveau gouvernement antisystème qui prend lundi 4 juin ses fonctions en Italie. Il devrait être approuvé par le Parlement aujourd’hui. Il devrait être dirigé par Giuseppe Conte avec le leader de la Ligue, Matteo Salvini à l’intérieur, et le patron du mouvement 5 Etoiles, Luigi di Maio, au développement économique.
 

L'euro a coûté cher à l'Italie

Cette alliance est qualifiée de populiste par la plupart des médias internationaux. Une notion difficile à décrire, pour ​Jean-Luc Pouthier, historien, enseignant à Sciences Po, au Centre Sèvres, ancien conseiller culturel à l’ambassade de France près le Saint Siège. "Il y a un parti, la Ligue du Nord, qui existe depuis le début des années 90. Les fondateurs de la Ligue ont été écartés, et c’est une sorte d’apparatchik, Matteo Salvini, qui dirige le mouvement, et qui a voulu le nationaliser. C’est un véritable fasciste. L’autre mouvement, 5 Etoiles, est un autre mouvement antisystème, né sous la conduite de Beppe Grillo, un comique italien qu’on a parfois comparé à Coluche. Grillo a réussi à rassembler les gens contre la classe politique italienne. Ce mouvement a rassemblé des antisystèmes. Ils sont moins souverainistes que la Ligue, ils ont un programme social" analyse l’historien.

Aujourd’hui, on se demande encore comment l’Italie a pu arriver à une telle situation. Pour Jean-Luc Pouthier, plusieurs facteurs ont joué. "Les sacrifices qui ont été demandés aux Italiens pour intégrer l’euro ont été très douloureux, plus qu’en France. On imagine mal ce que fiscalement, sur le niveau de vie, l’euro a coûté à l’Italie. Cette entrée douloureuse a aussi affecté un système de redistribution qui faisait que le Nord payait pour le Sud. Le Sud était subventionné par l’État. Depuis le début des années 2000, ces transferts ont disparu. Il y a un clivage géographique énorme. Au Nord, c’est la Ligue, au Sud, c’est le mouvement 5 Etoiles" ajoute l’historien.
 

Les Italies très attachés au respect de la démocratie

Pour autant, alors que ce nouveau gouvernement suscite de nombreuses craintes au niveau européen, Jean-Luc Pouthier demeure sceptique quant à la longévité de cet assemblage politique. "Sur le long terme, il serait surprenant que cela dure. La Ligue a fait entrer au gouvernement un catholique affiché, ministre de la Famille. Ce dernier a tout de suite tenu des propos homophobes, et il a été contré par le mouvement 5 Etoiles. C’est un exemple. On va voir ce que cela va donner. Je pense que les critères de distinction qui vont émerger, ce sera l’Europe. Le mouvement 5 Etoiles n’est pas antieuropéen par principe. Ils vont s’affronter sur des questions sociales, sur des questions de mœurs. Et puis il va falloir financer tout cela. Il faudra un système de redistribution, et il n’est pas sûr que les industriels du Nord apprécient" précise Jean-Luc Pouthier.

Expliquant que le président italien, malgré son rôle plutôt limité dans le paysage politique, est tout de même garant des traités signés par l’Italie, et que le gouvernement ne pourra donc pas faire tout ce qu’il veut, Jean-Luc Pouthier rappelle aussi que "la société italienne est profondément démocratique. Le référendum institutionnel il y a trois ans a montré un profond attachement des Italiens aux institutions et au respect de la démocratie. C’est vraiment ce qui peut protéger l’Italie. Le danger le plus fort, c’est le déficit, la dette monstrueuse".
 

Un sentiment d'abandon de la part de l'Europe

Durant la campagne électorale, "l’Église catholique a été extrêmement prudente. Là, le président de la Conférence épiscopale italienne, le cardinal Basseti, avait dit qu’il espérait ne pas voir resurgir des propos racistes qui lui rappelaient une période révolue, ce qui visait la Ligue, et ne pas voir des promesses intenables, ce qui visait le mouvement 5 Etoiles avec le revenu de citoyenneté. Le cardinal a répété cela à plusieurs reprises" lance Jean-Luc Pouthier.

Au niveau européen, il a tout de même des leçons à tirer de l’arrivée au pouvoir de ce gouvernement d’assemblage. "La première leçon, c’est d’être un peu moins les yeux rivés sur le bas du bilan, et de remettre en haut des préoccupations, les questions de solidarité européenne. Ces questions jouent pour tous les pays. Dans le cas italien, ceux qui ont voté pour la Ligue et le mouvement 5 Etoiles ont eu l’impression d’être abandonnés par l’Europe, face aux migrants, face au déficit" conclut l’historien.

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