Jean Pruvost | D'où vient le mot corruption ?
Le 9 décembre, demain, ce sera la Journée internationale de la lutte contre la corruption. Ce mot, souvent utilisé en ce moment dans l’actualité internationale, évoque l’idée que l’atmosphère et la langue peuvent s’altérer.
Jean Pruvost © Pascal HausherrC’est un mot dont les sens sont nombreux. Il suffit d’ailleurs d’en consulter la définition dans le Dictionnaire de l’Académie française pour repérer sa vitalité dans ses différents emplois, par exemple « la corruption de l’atmosphère dans les grandes villes », mais aussi « la corruption de la langue parlée », avec donc l’idée que l’atmosphère et la langue peuvent s’altérer.
Un mot d'origine latine
Vient l’idée de dépravation, « la corruption des mœurs », et celle du détournement « la « corruption électorale ». Alors, on se doute que la corruption est presque aussi ancienne que l’être humain dès qu’il s’est constitué en communauté. C’est donc du latin « corruptio » qu’est né le mot, entré en langue française au tout début du XIIe siècle. On repère de fait dans « corruptio » le verbe « rumpere », à l’origine du verbe « rompre », et bien sûr le préfixe « co-, com » qui marque une association mais aussi en latin une intensité forte. En vérité, le premier sens attesté du verbe « corrompre » est d’une grande violence. On le trouve en effet dans un texte de 1160 avec pour signification le fait de violer une femme, sens terrible qui s’atténuera pour passer au sens figuré de pervertir, altérer moralement, avoir l’esprit corrompu.
La corruption morale
C’est dès le Moyen Âge qu’on évoque la viande « corrompue » par la chaleur, ou encore la chair « corrompue » par l’infection. Au XVIIIe siècle, l’abbé Raynal, peut encore dire que la terre « était couverte de forêts et de marécages qui corrompaient l’air ». Un siècle plus tôt, dans un style imagé, La Bruyère dans ses Caractères, évoque Ménalque, étourdi, dont les « prodigieux efforts de mémoire » « corrompent le geste et défigurent le visage ». C’est sur le plan moral que la corruption s’illustre principalement, à travers notamment ce qui fut appelée la « corruption des mœurs », mais aussi « des lois ». Et ici Montesquieu, dans l’Esprit des lois affirme avec beaucoup d’esprit et de bon sens qu’ « il y a deux genres de corruptions : l’un, lorsque le peuple n’observe point les lois, l’autre lorsqu’il est corrompu par les lois », on comprend qu’il faut ici que les lois soient judicieuses. Enfin, le sens le plus fréquent aujourd’hui assimile la corruption aux moyens employés pour faire agir quelqu’un contre son devoir, contre sa conscience.
Etre incorruptibles
On trouve pour exemples dans nos dictionnaires le fait des « fonctionnaires », convaincus, c’est-à-dire accusés de « corruption et de malversation ». On distingue ainsi la corruption active, payer quelqu’un pour une mauvaise action, et la « corruption passive », le fait de se laisser corrompre. En réalité, il reste une seule juste voie : être incorruptible ! Ce qui nous rappelle cette série télévisée à grand succès qui s’appelait « Les incorruptibles », avec Eliot Ness, ou encore, mais là il nous fait peur, Robespierre surnommé l’Incorruptible. Laissons le dernier mot au auteurs de mots croisés : quelle définition nous proposent-ils faire deviner le mot « corruption » ? « Technique d’arrosage », « Arroser : alimenter en argent », c’est bien en effet un sens relevé dans nos dictionnaires depuis plus d’un siècle.


Jean Pruvost, lexicologue passionné et passionnant vous entraîne chaque lundi matin dans l'histoire mouvementée d'un simple mot, le mot de la semaine !




