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"Je ne voulais pas que d'autres familles perdent leur enfant comme nous"

"Je ne voulais pas que d'autres familles perdent leur enfant comme nous"

Un article rédigé par Martin Obadia - RCF Haute-Loire, le 25 mars 2022  -  Modifié le 11 janvier 2024

Témoigner, pour casser les fausses représentations, le Lycée Anne-Marie Martel du Puy-en-Velay a organisé une semaine de lutte contre les discriminations. A cette occasion plusieurs témoins sont venus échanger avec les élèves. Ce vendredi, 2 victimes de terrorisme sont venues en classe. Rencontre avec Asma Guénifi qui a perdu son frère en 1994.  

Asma Guénifi était au Puy-en-Velay pour échanger avec les élèves du Lycée Anne-Marie Martel© Martin Obadia Asma Guénifi était au Puy-en-Velay pour échanger avec les élèves du Lycée Anne-Marie Martel© Martin Obadia

 

Elle souhaite témoigner pour inciter la population à s'intéresser aux religions et éviter de tomber dans l'intégrisme. Asma Guénifi est venue ce vendredi à la rencontre des élèves du lycée Anne-Marie Martel du Puy-en-Velay.

 

Témoigner pour entretenir la mémoire de son frère

 

Asma Guénifi n'avait que 18 ans quand son frère a été tué dans la rue à Alger. C'était en 1994. Cet étudiant était un passionné de musique, ce qui "pour les musulmans intégristes était illicite, c'était un pêché" selon Asma Guénifi. Son frère, Hichem souhaitait d'ailleurs être ingénieur du son. Un jour de 1994, alors que toute la famille revenait de chez les grands-parents, des terroristes ont ouvert le feu en direction de la voiture de la fratrie. Le frère est touché. Il décède peu après. 

 

Cet événement a bouleversé la vie de la jeune adulte, de sa famille et de son quartier. "On perd notre innocence. À l'époque j'avais 18 ans, le lendemain j'avais l'impression d'avoir 40 ans, 50 ans. Je voyais plus la vie comme avant et l'adolescence était partie". S'est ajouté à cela la nécessité de quitter l'Algérie et venir en France pour se protéger d'autres attaques, un exil qu'Asma Guénifi dit avoir "extrêmement mal vécu. J'avais l'impression d'avoir abandonné mon frère en plus". 

Parler aux jeunes pour faire de la prévention 

 

La jeune adulte qui est issue d'une famille de militants décide de créer l'association "Hichem" en juillet 1995. Au départ elle réunit en France ceux qu'elle appelle les "exilés algériens qui ont vécu le terrorisme" pour faire de la prévention et leur dire que "ce sont pas des musulmans ceux qui viennent nous tuer".

 

Depuis elle n'a pas cessé de sensibiliser les plus jeunes à travers de multiples interventions. Pour elle cette démarche était importante "je ne voulais pas que d'autres familles perdent leur enfant comme nous on l'a perdu. La violence de perdre quelqu'un assassiné devant soi c'est extrêmement taumatisant". 

 

Ces prises de parole permettent, en plus d'entretenir la mémoire de son frère, de témoigner de ce que des algériens musulmans ont vécu. 28 ans plus tard elle continue de se mobiliser pour inciter au vivre ensemble, au respect de la différence, à l'acceptation de l'autre comme il est. Asma Guénifi souhaite surtout lutter contre l'ignorance. "Le plus important pour moi c'est le savoir, la connaissance. Quand on est ignorant on tombe rapidement dans l'intégrisme ou l'extrêmisme donc c'est très très très dangereux". 

 

Asma Guénifi est aujourd'hui psychologue-clinicienne. Selon elle la psychanalyse lui a permis d'affronter cette épreuve. Le témoignage, la création de son association et la rencontre de personnes qui ont vécu la même chose l'ont "énormément aidé". Il lui ont permis de voir "qu' on peut s'en sortir, on peut se reconstruire, on peut continuer à vivre", même si elle reconnait qu'il est encore difficile aujourd'hui de refermer la plaie.

 

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