Isabelle Mordant: "à Normale Sup, Thomas est un étudiant comme les autres"
Thomas est atteint de la maladie des os de verre. Il se déplace en fauteuil roulant électrique, en position semi-allongée, maintenu par un corset. Tous les trajets sont difficiles à organiser. Il ne peut se déplacer qu’en voiture. Il ne peut pas prendre les transports en commun. Il ne marche pas. Il ne peut pas s’alimenter, ni écrire normalement. "Moralement et intellectuellement il est indépendant, mais sur le plan physique, il faut faire à sa place tous les gestes de la vie quotidienne" explique Isabelle Mordant, sa maman.
Cette dernière est l’auteur de "Mystère de la fragilité" (éd. du Cerf). Un livre dans lequel elle retrace son combat de mère, pour un fils physiquement très fragile. Mais intellectuellement très performant. Âgé à peine de 17 ans, et après un parcours scolaire compliqué, il entre à Normale Sup. Sa maman le dit : arriver à Normale Sup aura été presque plus simple que de rentrer en sixième. "Depuis qu’il est entré à Normale Sup, il est enfin considéré comme un étudiant comme les autres. Il est apprécié pour ses capacités en math, et son fauteuil roulant n’est plus un élément fondamental de sa personnalité. Ce n’est plus le pauvre petit handicapé" ajoute-t-elle.
Bébé, Thomas pleurait beaucoup. Sa maman s’en inquiétait, malgré le fait qu’on lui dise que c’était normal. Pour Isabelle Mordant, il s’agissait bien de pleurs de souffrance. Très vite, elle se heurte à l’institution médicale. "Sur un tout petit bébé, on ne peut pas diagnostiquer facilement les fractures. Devant ces petites fractures, les médecins ont émis l’hypothèse d’une maltraitance parentale" précise-t-elle.
Le diagnostic est établi après six mois. A trois ans, les parents de Thomas découvrent ses capacités intellectuelles hors du commun, par hasard. "Je ne lui avais pas pris mais il savait lire. J’étais très fier et très contente. Il ne pouvait à peine bouger, et la lecture était un univers où il ne rencontrait aucune limite". S’en suit la rentrée à l’école. "L’institution scolaire a considéré que le fauteuil et la maladie étaient des obstacles à sa scolarisation. Il y a une forme de mauvaise volonté de la part de certaines personnes, mais pas de toutes" estime-t-elle.
Dans son livre, Isabelle Mordant soulève cependant un vrai problème d’actualité : le recrutement des AVS. "Celles qui sont restées auprès de Thomas ont été des personnes très dévouées, mais il y a un problème de recrutement. Il n’y a aucune formation, ce sont des emplois précaires, qui ne sont pas durables, mal payés. On recrute des AVS indépendamment des enfants que l’on intègre à l’école, sans tenir compte de ses besoins" dénonce-t-elle.
Rétrospectivement, Isabelle Mordant avoue avoir eu du mal à accepter que son enfant soit handicapé. "C’est quelque chose que je ne comprends toujours pas. J’ai eu des moments de révolte. C’est profondément injuste. Un enfant est innocent. C’est une injustice qui m’a révolté, et il m’a fallu un long travail sur moi-même" confie-t-elle, témoignant tout de même de la joie, présente au sein de sa famille, grâce à Thomas notamment. "Quelqu’un qui plaisante, qui est joyeux, qui pratique l’auto-dérision de manière surprenante. C’est quelqu’un qui aime la vie, qui est heureux de vivre, malgré sa souffrance".
Thomas a enfin été un chemin de conversion pour sa mère. Il est croyant, il a développé une vie intérieure. "Ma révolte je ne l’ai jamais perçue chez Thomas. De manière générale, dans sa foi, il ne questionne pas le Seigneur. Il est dans un abandon et une confiance édifiante. Dans sa prière, c’est toujours pour demander quelque chose pour les autres" conclut-elle, invitant les parents confrontés à la maladie à ne pas avoir peur.
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