Inde
Le calme est revenu à la frontière entre l'Inde et le Pakistan. Les deux pays ont accepté un "cessez-le-feu" samedi après presque une semaine d’affrontements armés. La confrontation la plus grave entre ces deux puissances nucléaires depuis 1999. Rien n’est réglé sur le fond pour la région du Cachemire et une autre question cruciale est venue se greffer durant cette crise : l’eau du fleuve Indus.
L’Inde et le Pakistan entretiennent depuis leur indépendance en 1947 des relations conflictuelles, elles ont été rythmées par plusieurs guerres notamment en 1965, 1971 et 1999 entrecoupées des périodes de vives tensions. La dernière crise s'est donc ouverte le 22 avril avec une attaque terroriste islamiste qui a fait 26 morts dans le Cachemire indien. Mercredi 7 mai, l’armée indienne a frappé sur le sol pakistanais des camps censés abriter le groupe jihadiste que New Delhi soupçonne de l’attentat. Le Pakistan a fermement démenti toute implication et a aussitôt riposté. Le calme est revenu à la frontière. Le bilan encore très partiel est d’une soixantaine de morts parmi les civils des deux camps.
"Les deux parties peuvent revendiquer une sorte de victoire", constate Gilles Boquérat, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste de la zone indo-pakistanaise. "Côté pakistanais, ils peuvent avancer le fait qu'ils ont préservé leur souveraineté. Côté indien, on a fait passer le message, qu'on était prêts à un niveau d'engagement supérieur et que tout acte de terrorisme engendrera une réplique militaire indienne". Mais l’accalmie reste précaire entre les deux voisins avec un durcissement de la posture de l’Inde face à son voisin pakistanais. Au final, l’offensive a entraîné "une forme de frustration des nationalistes hindous, les plus radicaux", relève Olivier Da Lage, spécialiste de l’Inde et chercheur à l’IRIS.
Si les hostilités ont cessé, une autre question cruciale est venue se greffer durant cette crise : l’accès à la ressource en eau. "L’Inde en a profité pour se retirer du traité de l’Indus et de ses affluents", rappelle Gilles Boquerat. "Le cessez-le-feu ne revient pas sur ce retrait", abonde Olivier Da Lage. L'Inde étant en amont et le Pakistan en aval, selon ce traité signé en 1960, New Delhi devait fournir à son voisin, des informations sur le débit de l'Indus et de ses différents affluents. C’est une forme de contrôle partagé des eaux.
"Après l'annonce de la suspension du traité, l'Inde a purgé un barrage de ses sédiments. Après quoi, les vannes ont été fermées pour une remise en eau. Ça diminue d'autant le débit global de l'eau qui irrigue les terres agricoles du Penjab au Pakistan, qui dépendent à 80% de l'irrigation", détaille Olivier Da Lage. "L'Inde n'est pas en mesure de fermer le robinet complètement, mais elle envisage de construire des barrages, de dévier, les cours d'eau. Une diminution même partielle de l'eau qui arrive au Pakistan pourrait être catastrophique pour l'agriculture, et même la survie alimentaire du pays", souligne le chercheur.
"L'Indus, c'est une sorte de château d'eau. C'est un moyen de pression considérable", ajoute Gilles Boquérat. La ressource en eau devient une nouvelle arme dans un contexte de dérèglement climatique et d’accentuation des sécheresses. Reste qu’il faudrait du temps à l’Inde pour construire l’ensemble des infrastructures nécessaire pour réduire le débit de l’Indus.
L'Indus, c'est une sorte de château d'eau.
"Il sera intéressant de voir les développements qui vont maintenant survenir sur cette question de l’eau de l’Indus. Elle risque de devenir plus importante que celle du Cachemire", relève Gilles Boquérat. L'Inde et le Pakistan revendiquent l'entière souveraineté de ce territoire à majorité musulmane en bordure de l’Himalaya. Depuis l’indépendance en 1947, cette région est coupée en deux par une ligne de démarcation de 770 kms. Les Etats-Unis ont fait pression sur les deux états pour stopper les combats. En annonçant le cessez-le-feu, Donald Trump avait évoqué samedi des discussions en vue d'une "solution au Cachemire". Une source gouvernementale à New Delhi a toutefois rapidement écarté cette éventualité.
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