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Incarcération de Nicolas Sarkozy : « Tout n’est pas terminé » pour les familles des victimes de l'attentat du DC-10

Incarcération de Nicolas Sarkozy : « Tout n’est pas terminé » pour les familles des victimes de l'attentat du DC-10

Un article rédigé par Johan Fresse - RCF Lyon, le 31 octobre 2025 - Modifié le 31 octobre 2025
Les Voix de l'actu · RCF Lyon et RCF Pays de l'AinIncarcération N.Sarkozy : le combat continue pour les familles des victimes de l'attentat du DC-10

Une incarcération qui n'efface pas la perte. Cela fait dix jours que Nicolas Sarkozy est incarcéré à la prison de la Santé, malgré l'appel de sa condamnation à cinq ans d’emprisonnement dans l'affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Derrière ce procès, il y a des victimes : les 170 passagers et membres d'équipage de l'avion DC 10 de la compagnie UTA, vol 772, qui a explosé au-dessus du désert du Ténéré le 19 septembre 1989. Un attentat commandité par le régime de Mouammar Kadhafi. Parmi ces victimes, une Lyonnaise : aujourd’hui, sa fille Yohanna Brette témoigne pour rappeler à tous l'affaire de sang derrière le scandale politico-financier.

Yohanna Brette, fille de l'une des 54 victimes françaises du DC-10 d'UTA de septembre 1989 - © RCF LyonYohanna Brette, fille de l'une des 54 victimes françaises du DC-10 d'UTA de septembre 1989 - © RCF Lyon

RCF Lyon : Vous êtes Lyonnaise, vous avez 37 ans, vous n'aviez qu'un an et demi le 19 septembre 1989 quand le vol UTA-772 explose au-dessus du Niger, tuant 170 personnes à son bord dont 54 Français (142 en tout en incluant la double nationalité), parmi lesquelles votre mère hôtesse de l'air.
Le jugement reconnaît un pacte de corruption scellé avec Abdallah Senoussi, le beau-frère de Kadhafi qui a commandité l'attentat, Abdallah Senoussi qui aurait été l'interlocuteur à l'époque de Brice Hortefeux et de Claude Guéant lors de voyages à Tripoli en 2005. Vous vous êtes constituée partie civile pour ce procès. Comment vous sentez-vous aujourd'hui après cette condamnation et l'incarcération de Nicolas Sarkozy ?

Yohanna Brette : Je me sens plutôt bien. 

On est au milieu de l'histoire. Tout n'est pas terminé et, comme le dit M. Sarkozy, il reste une histoire à écrire. 

Donc on verra comment se passe la suite. Je ne vous cache pas qu'il y a eu quand même plusieurs épisodes. Le dernier a été quand même relativement violent, le traitement médiatique post-incarcération et même post-jugement a été assez compliqué pour moi à gérer. Mais on sent quand même depuis quelques jours que la tendance commence à s'inverser. En tout cas on nous laisse enfin un peu de place dans le débat public et ça je crois que c'est une bonne chose. 

RCF Lyon : Le dernier événement, c’est aussi la visite à Nicolas Sarkozy du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, à la prison de la Santé mercredi soir 29 octobre. Quand on est une victime de l'attentat de 1989, comment réagit-t-on à une visite du garde des Sceaux comme celle-là ? 

YB : Assez durement. Je ne vous cache pas que pour moi, c'est quand même une grosse déception. Notre garde des Sceaux a quand même fait le choix d'aller visiter un détenu en son « devoir de vigilance », comme il nous l'a dit. C'est assez étonnant connaissant les derniers discours de M. Darmanin concernant la place des victimes au sein de sa politique. Après, je pense que comme tout un chacun, il fait ses choix en conscience et qu'il y a un moment où il faudra bien en justifier.

RCF Lyon : Plus que l'incarcération d'un homme, Nicolas Sarkozy, pour vous, c'est la trahison de la République, la trahison d'un État ?

YB : Ce sentiment est quand même très, très fort, nous, dans notre Histoire. C'est le plus gros attentat perpétré contre la France encore aujourd'hui. Mais c'est un attentat qui a quand même été un petit peu effacé de l'Histoire, dont les gens ne se souviennent pas bien. Alors maintenant, ça fait quand même 36 ans. Mais il y a quand même toujours besoin de faire un travail pédagogique, de rappeler les faits. Mais le fait est que pendant des années, la date du 19 septembre, ça a été la date de la journée nationale des victimes du terrorisme. Donc on a vu défiler régulièrement des hommes politiques, entre autres Nicolas Sarkozy, qui nous a fait de très beaux discours, dont un en 2003, où il nous expliquait avec toute sa sincérité du moment que les terroristes n'avaient pas leur place sur notre territoire et qu'il était impensable de pouvoir négocier et parlementer avec eux. C'est quelqu'un qui est venu aussi à notre rencontre. 

Moi, personnellement, j'ai eu l'occasion de lui serrer la main [à N. Sarkozy], d'avoir sa main sur mon épaule, en me disant qu'il était important de bien grandir et d'être courageuse.
Donc oui, il y a un sentiment de trahison. 

Et sans vouloir en rajouter, je pense que pour moi, il est double, parce que je suis pupille de la Nation, ce qui veut dire que j'ai quand même été adoptée par l'État. Et comme j'en ai témoigné au tribunal, ça a été très compliqué pour moi d'imaginer que mon pays m'abandonnait alors qu'il devait prendre soin de moi. 

RCF Lyon : Nicolas Sarkozy a fait appel de sa condamnation. Un appel qui n'est pas suspensif de son incarcération. Un nouveau procès arrivera d'ici un an : comment allez-vous vous préparer à cette nouvelle échéance judiciaire ?

YB : On allait au procès pour trois choses. La première, c'était de pouvoir témoigner dans un tribunal, d'être entendus par des juges, ce qui n'avait pas été le cas pendant le procès en 1999. La deuxième chose, c'est qu'on était en recherche de vérité. On voulait que ces hommes aient une chance de s'excuser, de reconnaître leur faute, d'accepter d'être faillibles, parce que nous le sommes tous. La troisième était d'obtenir justice. Principalement par la reconnaissance des faits par les juges. Donc, on est sortis plutôt satisfaites. Mais avec beaucoup d'interrogations encore. Cet appel, pour l'instant, on en discute. On a envie de prendre la même direction, même si on a choisi de ne pas recréer d'association, parce que pour nous, c'était important que la défense se fasse dans l'individualité, que chacun soit vraiment libre de dire et de faire comme il voulait. 

Cet appel, on en discute pour l'instant, mais je pense qu'on sera peut-être plus incisifs que pendant la première instance. 

On avait quand même une méconnaissance du lieu, du protocole, de comment ça se passait, des interlocuteurs, des gens qu'il y allait avoir autour de nous. Une fois de plus, c'était quand même assez impressionnant. Maintenant qu'on sait à quoi ça ressemble, je pense qu'on cadrera un peu plus nos questions et on a, effectivement, encore des choses à découvrir.

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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