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Immigration : un à neuf ans de prisons requis contre des passeurs dans le Nord-Pas-de-Calais

Immigration : un à neuf ans de prisons requis contre des passeurs dans le Nord-Pas-de-Calais

Un article rédigé par Aurélien Vurli - RCF Hauts de France, le 10 décembre 2025 - Modifié le 11 décembre 2025
Le journal régional • Hauts de FranceLes passeurs, des traficants comme les autres ? - 8h

Le procès fleuve d’un vaste réseau de passeurs actifs dans le Nord–Pas-de-Calais se poursuit cette semaine devant le tribunal judiciaire de Lille. Depuis le 1er décembre, dix-sept prévenus sont jugés par la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) pour des faits liés aux traversées illégales de la Manche. Le parquet a requis des peines allant de un à neuf ans de prison.

Le procès des passeurs accusés d’organiser une grande partie de l’immigration illégale dans le Nord–Pas-de-Calais révèle l’ampleur d’un réseau structuré et lucratif. © Illustration EnvatoLe procès des passeurs accusés d’organiser une grande partie de l’immigration illégale dans le Nord–Pas-de-Calais révèle l’ampleur d’un réseau structuré et lucratif. © Illustration Envato

Ils sont accusés d’avoir organisé plus d’une cinquantaine de traversées entre avril 2023 et août 2024, en utilisant des taxi-boats pour acheminer clandestinement des migrants vers l’Angleterre. Dix-sept passeurs poursuivis pour « aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger en bande organisée », « participation à une association de malfaiteurs » et « mise en danger d’autrui ». 

Quatre d’entre eux sont également poursuivis pour homicide involontaire, après la mort d’une Érythréenne de 24 ans lors d’une traversée en septembre 2023. Sept autre morts sont imputés à ce réseau de passeurs. Des cas qui ne sont pas isolés

Mardi 9 décembre, le ministère public a présenté ses réquisitions, réclamant entre un et neuf ans de prison, assortis d’amendes de 50 000 à 150 000 euros et d'interdictions définitives  du territoire français pour la plupart des prévenus.

Un réseau organisé comme une véritable entreprise criminelle

Présentée comme « l’avocate de la société » par la présidente du tribunal, la procureure a décrit un réseau structuré comme un trafic de drogue, avec une hiérarchie précise et des rôles répartis : des organisateurs, aux guides chargés d’escorter les migrants jusqu’aux zones d’embarquement, jusqu'aux conducteurs de taxi-boats, ou les chauffeurs assurant le transport des passeurs sur le littoral. Un réseau bien organisé qui déjoue la surveillance des forces de l'ordre

Parmi les dix-sept prévenus, huit se déclarent Syriens, sept Libyens, deux Irakiens, deux Tunisiens, un Afghan et un Guinéen. Tous sont assistés de traducteurs.

Pendant plus de deux heures, la procureure a tenté de reconstituer le puzzle du réseau. Une tâche compliquée, notamment par l’absence quasi totale de saisies financières. La plupart des fonds auraient transité via des bureaux de change en Syrie, Turquie ou Irak.

Une économie très rentable : jusqu’à 62 000 euros par traversée

Selon l’enquête, chaque traversée représentait un investissement d’environ 2 500 euros pour les passeurs : bateaux pneumatiques achetés en Allemagne, matériel instable, sans gilets de sauvetage.

En retour, une seule traversée pouvait rapporter jusqu’à 62 000 euros, un butin ensuite réparti selon la hiérarchie. Les exécutants pourrait toucher jusqu'à 1 500€. Les têtes du réseau peuvent espérer recevoir jusqu’à 25 000 euros lorsque le bateau atteignait les côtes britanniques.

Certains organisateurs seraient installées en Allemagne, où ils gèrent des hangars de stockage. Les convois transportant le matériel étaient décrits comme très sécurisés, avec voitures ouvreuses et suiveuses.

En France, les passeurs stockaient très peu de matériel afin d’éviter les contrôles. Une fois les bateaux convoyés à proximité des plages, d’autres membres du réseau prenaient le relais pour gonfler les embarcations et acheminer les migrants jusqu’au départ.

Traversées à tout prix : migrants brusqués, abandonnés, piétinés

Pour que l’argent soit versé, le bateau devait impérativement atteindre le Royaume-Uni.
Cette logique a poussé les passeurs à forcer les traversées coûte que coûte.

La procureure évoque des migrants malmenés pour monter à bord, d’autres laissés sur la plage faute d’avoir pu embarquer.
Et surtout la mort tragique d’une jeune Érythréenne de 24 ans, piétinée dans une bousculade sur la plage de Sangatte, alors qu’elle tentait de monter sur un bateau avec son mari — arrivé seul en Angleterre.

Le procès doit se poursuivre jusqu’à vendredi, avec les plaidoiries de la défense.

Le journal régional - RCF Hauts de France
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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