Le débat législatif sur la légalisation de l'euthanasie ne cesse depuis plusieurs années de revenir sur le devant de l’agenda politique poussé par certaines associations telles que l'ADMD, l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, appuyées par des parlementaires convaincus. Les députés de la commission des affaires sociales ont repris, ce lundi 28 avril, l'examen de la proposition de loi visant à instaurer une aide à mourir. Le 11 avril, les députés avaient voté à l'unanimité la proposition de loi sur les soins palliatifs. « Droit ou aide à mourir », « aide active à mourir" ou "euthanasie »… la bataille sémantique fait rage entre députés favorables ou non au texte. Il y a aussi un débat fort l’objection de conscience. L’opposition de l’Eglise catholique à l’aide active à mourir, à l’euthanasie, est connue. Mgr Bruno Feillet revient sur les fondements de cette opposition.
Alors qu'un projet de loi ouvrant le chemin de la légalisation de l'euthanasie est à nouveau examiné à l'Assemblée nationale et sera débattu par les députés du 12 mai au 27 mai, l'évêque de Séez dans l'Orne, rappelle les raisons de l'opposition de l'Eglise catholique à une telle évolution législative. Pour celui qui fut président de la commission Famille et société de la CEF : "La liberté est au service de la vie et vouloir user de la liberté contre ce qu'elle promeut au fond d'elle même, constitue une erreur."
Tenir la main de manière fraternelle de celui qui va mourir dans huit jours est plus important que de tenir la seringue pour l'achever.
Mais cette proposition de loi, portée par des députés comme Olivier Falorni, rapporteur général du texte, s'inscrit dans un processus beaucoup plus long, remontant aux années 70. "Quand on considère l'inscription de la liberté d'avorter dans la Constitution française l'année dernière et qu'aujourd'hui on veut accélérer les facilités de se donner la mort, analyse-t-il, on constate que la société française meurt par les deux bouts, les naissances à naitre et les grands ainés."
Il y a là un paradoxe que l'évêque de Séez souligne: "C'est une société qui se suicide. D'autant plus que nous nous plaignons de ne plus avoir assez d'enfants... alors que voulons-nous?"
"Ce n'est pas le droit d'une liberté individuelle, c'est plus grave que cela, quel est le projet de société que nous voulons pour la vie dans notre pays." Si le constat est largement partagé au sein des catholiques, reste à savoir ce qui explique cette aspiration mortifère de la société française et plus largement des sociétés occidentales. "Je crois que nous avons peur de souffrir avant la mort et l'on veut donc supprimer ce moment", partage Mgr Feillet.
Quand nos grands ainés s'aperçoivent qu'ils sont accompagnés, aimés pour eux-mêmes et qu'on prendra soin d'eux, ils ne veulent plus partir. Or, on nous fait croire l'inverse.
Demeure donc la question légitime de la souffrance ou plus précisément de l'appréhension de la souffrance. Si les médecins avec l'expérience progressent dans leur maitrise de la souffrance, notamment grâce aux soins palliatifs, "nous sommes encore dans l'estime" constate l'évêque. Pour lui, il convient de "prendre le moyen proportionné à la fin que l'on souhaite obtenir, à savoir la fin de la souffrance". Et de préciser sa pensée: "La morale tolère d'utiliser un moyen proportionné pour atteindre l'objectif de lutter contre la souffrance quitte à ce qu'il y ait un effet secondaire qui conduise à la mort."
Un autre aspect de ce projet de loi inquiète particulièrement Mgr Feillet, c'est celui de la liberté de conscience. "Il nous faut préserver la liberté de conscience non seulement des médecins, des infirmières et aides soignantes, mais aussi du personnel administratif d'un hôpital car la conscience n'est pas histoire de diplômes la conscience morale." L'enjeu pour lui et de garantir à tous les acteurs de pouvoir refuser l'euthanasie ou l'aide active à mourir si elles venaient à être légalisées. "C'est une affaire de gout du bien et de dégout du mal."
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