Humanitaire

On a l'impression que c'est un mot qui existe depuis longtemps, ou en tout cas devrait exister depuis longtemps, puisqu'on en perçoit bien l'origine : le mot "humain". D’autant plus que le mot « humain » dérivé de « hominem », homme, est repéré depuis 1150. Or, curieusement, ce n’est qu’en 1835 qu’on atteste de la naissance du mot humanitaire, dans la correspondance d’un de nos plus grands poètes, Lamartine, où il évoque « un épisode » de son « poème humanitaire ».

L’adjectif ainsi créé par Lamartine est dérivé d’humanité, désignant ce « qui est de nature humaine », par opposition à l’animalité. On a d’ailleurs parlé de « l’humanité et de la divinité de Jésus Christ », mais dès 1170 on évoquait déjà l’humanité en tant que sentiment de bienveillance, de compassion pour les malheurs d’autrui. On se souvient de La Fontaine évoquant « Un loup rempli d’humanité S’il en est de tels dans le monde ». Donc dans ce sillage, « humanitaire » n’aurait dû avoir que des connotations d’excellence, en ne gardant que son sens premier : « qui s’attache à soulager l’humanité souffrante ». C’est ainsi qu’on parla de politique, d’idées humanitaires, et là de mauvais esprits ajoutèrent la plaie de l’être humain : le ricanement.

Un sens péjoratif inscrit par exemple dans le Grand Robert, qui mentionne un sens ironique, avec cet exemple : « On rabâche des vieilleries humanitaires ». Ou encore « il déclamait une poésie humanitaire » Et voici même Sainte-Beuve disant avec mépris que « Georges Sand est dans l’humanitaire », « elle appelle cela croire » ajoute-t-il perfidement. Fort heureusement, cette dérision délétère a été sauvée par une formule nouvelle l’« aide humanitaire », perçue comme sérieuse et efficace et nos dictionnaires de citer le Secours catholique très valorisant.

C’est assez rare pour être signalé : le mot a été sauvé d’une connotation déplaisante par l’institution de « l’aide humanitaire ». Rien de tel qu’une belle et visible action pour sortir un mot du marais des grandes idées déclamées sans être forcément mises en pratique. Vive l’humanitaire !