Homélie de Mgr Sylvain Bataille lors de la messe d'installation en la cathédrale de Bourges
Le dimanche 30 novembre, Mgr Sylvain Bataille a été installé en la cathédrale Saint-Étienne de Bourges.
Voici l'homélie du nouvel archevêque de Bourges.
Mgr Sylvain Bataille, messe d'installation du 30 novembre 2025. © Diocèse de Bourges.Veillez, car vous ne savez pas quand le Seigneur viendra !
Nous aimons prévoir, organiser, maîtriser… mais Dieu est au-delà de toutes nos constructions et
c’est très heureux, il sait mieux que nous ce qui est bon, et il a promis de nous surprendre !
Le Seigneur viendra, mais de quelle venue s’agit-il ?
Un jour, le Seigneur viendra en gloire, il l’a promis ! Peut-être ce soir ? Serait-ce une bonne
nouvelle ? Nos sentiments sont certainement mélangés : tant de choses restent à faire, à vivre ici-bas, et il
est probable que nous ne nous sentons pas vraiment prêts, nous ne voudrions pas être de ceux qui sont
laissés ! Pourtant la venue du Christ en gloire est la plus belle des espérances.
Le Seigneur vient aussi dans notre quotidien. Nous sommes aux champs, au travail, à la maison,
bien absorbés par nos tâches… et voilà que Dieu surgit. Comment ? Souvent bien discrètement.
Il peut se faire proche dans les épreuves de la vie, un deuil, une maladie, un bouleversement qui
nous ramène à l’essentiel.
Il se révèle aussi dans la vie de jeunes et d’adultes. Pourtant bien éloignés de la foi chrétienne, ils
font l’expérience de la rencontre du Christ. Cette irruption de Dieu dans une vie, indépendamment de
toute action humaine, ne cesse de nous étonner, de nous émerveiller. Cela rejoint la prophétie d’Isaïe :
« Vers la maison du Seigneur afflueront toutes les nations ». Et le psaume réplique : « Quelle joie quand
on m’a dit, nous irons dans la maison du Seigneur, c’est là qu’Israël doit rendre grâce ! »
Dieu vient aussi à nous à travers les pauvres, les personnes fragiles, les personnes victimes d’abus,
les migrants… et à travers tous par nos frères et sœurs qui nous édifient, nous stimulent, nous réveillent.
La vraie question n’est donc pas : « Dieu viendra-t-il ? » - il vient déjà de tant de manières – mais
plutôt « Comment l’accueillons-nous ? » Est-ce que j’accepte de me laisser déranger par sa présence, ses
appels…
Monseigneur le Nonce, quand vous m’avez transmis l’appel du pape à quitter Saint-Étienne pour
Bourges, cela m’a franchement dérangé. J’étais bien à Saint-Étienne ! Au bout de quelques jours, j’ai
compris que c’était à accueillir comme un appel du Seigneur. Je vais être bien à Bourges puisque le
Seigneur m’y appelle !
Nos vies sont faites d’évènements qui nous surprennent, pour nous ou nos proches, les années qui
passent imposent aussi des changements, il y a sans cesse de nouveaux défis à accueillir et relever, sans
parler des événements qui touchent nos proches, notre société, notre monde…
Par-delà les interrogations, les peurs, les incertitudes… tous ces changements ne sont pas tant des
catastrophes à déplorer que des événement à accueillir avec le Seigneur, ils nous appellent à un
dépassement et alors ils peuvent donner une nouvelle dimension à notre vie. Dieu n’est pas celui envoie
des épreuves pour nous embêter mais celui qui nous aide à les traverser, qui ouvre sans cesse un chemin
de vie devant nous.
Frères et sœurs, avons-nous le désir d’accueillir le Seigneur dans nos vies, pas seulement à la fin
des temps, mais aujourd’hui ?
Comment pourrions-nous avoir le cœur plus ouvert et disponible pour accueillir sa présence au
cœur de chacune de nos vies, de la vie de notre Église avec les bouleversements difficiles et heureux
qu’elle traverse ? N’est-ce pas là l’espérance chrétienne que nous avons approfondie en cette année sainte
de l’espérance qui ne déçoit pas, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs ? Elle est cette
certitude qu’en Dieu, la vie et l’amour auront le dernier mot. « Rien ne pourra nous séparer de l’amour de
Dieu » rappelle saint Paul.
L’évêque, épiscopos en grec, est celui qui « veille sur », qui a la charge. Je ne suis pas là pour vous
dire ce qu’il faut faire, je ne suis pas le bon Dieu. Je suis là pour veiller avec vous, pour discerner
ensemble les appels de Dieu, les appels personnels, les appels communautaires, le cri des pauvres, les
attentes du monde...
Demandons au Seigneur un cœur qui écoute pour découvrir ensemble ses chemins, les portes qu’il
ouvre devant nous, surtout quand nous avons l’impression que tout est bouché. Il ne cessera de nous
surprendre !
Alors les tensions qui traversent notre Église, nos familles, notre société, notre vie souvent
tourmentée dans ce monde perturbé, nos fragilités et nos peurs… deviennent autant d’appels à aimer, à se
dépasser. « Revêtons-nous des armes de lumière » dit saint Paul, les armes de l’Évangile, la foi,
l’espérance et la charité, en acceptant d’être démunis pour être capables d’accueillir et de donner, tout
simplement, là où la vie nous met.
Dieu vient maintenant d’une manière toute particulière dans l’Eucharistie. Cette petite hostie, ce
morceau de pain qui devient le corps du Christ, est plus solide que toutes nos assurances, tous biens ou
comptes en banque, que cette cathédrale qui a traversé les siècles. Il est le roc inébranlable sur lequel nous
pouvons fonder chacune de nos vies.
Dans l’Eucharistie, le Christ est présent aujourd’hui au milieu de nous comme celui qui veut se
donner à chacun. Accueillons-le et accueillons-le ensemble. C’est dans cette communion au Christ, que se
fait la communion entre les chrétiens.
Nous sommes différents, par nos histoires, nos âges, nos sensibilités, nos talents, nos fragilités… et
c’est Dieu lui-même qui nous a voulu cette diversité. Elle devient une richesse lorsque nous la vivons
dans la communion. Chacun apporte quelque chose d’unique à partager, à donner, et chacun est appelé à
un dépassement dans l’accueil de l’autre, et à travers lui de Dieu.
La vie n’est-elle pas dans cet échange permanent, qui fait le cœur de la vie divine, elle est don
mutuel et éternel entre le Père et le Fils dans l’Esprit, il nous a faits à son image pour que nous puissions
aimer à sa manière.
Oui le Christ nous rassemble pour que par lui, avec lui et en lui, nous puissions accueillir tout ce
que nous avons à recevoir de Dieu et des autres et nous donner, dans le quotidien de nos vies.
N’est-ce pas cela accueillir le Seigneur qui vient et être des veilleurs au cœur de ce monde ?
Amen.
