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Hériter, entre transmission et fracture sociale

Hériter, entre transmission et fracture sociale

Un article rédigé par Melchior Gormand - RCF, le 26 septembre 2025 - Modifié le 26 septembre 2025
Je pense donc j'agisHéritage : pourquoi préparer la transmission de son vivant ?

Hériter, c’est recevoir un patrimoine… mais aussi parfois un lourd fardeau. Derrière les chiffres et les règles du droit français, l’héritage raconte avant tout des histoires de familles : des rancunes anciennes, des inégalités criantes, des non-dits qui explosent au grand jour.

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Dans l’émission Je pense donc j’agis sur RCF et Radio Notre Dame, le notaire Arnaud Galiber d'Auque et la philosophe Mélanie Plouviez ont croisé leurs regards sur le sujet sensible de l'héritage. Entre nécessité d’anticiper pour éviter les conflits et constat d’une société de plus en plus inégalitaire, leurs échanges dressent un portrait sans fard de ce que signifie "hériter" en France aujourd’hui.

Quand parler d’héritage évite les drames

En apparence, la succession ne serait qu’une formalité juridique : un patrimoine à partager, des règles à appliquer. En réalité, c’est un moment de vérité familiale, souvent douloureux. "La plupart des conflits résultent d’une absence de communication", explique le notaire Arnaud Galiber d'Auque. Et d’ajouter sans détour, "on ne prépare jamais assez tôt la transmission". Pour ce professionnel du droit, l’héritage ne se joue pas seulement dans un bureau de notaire, mais bien avant, autour d’une table familiale.

Un partage strictement égal n’est pas toujours juste. 

Anticiper par des donations ou un partage équilibré peut éviter bien des rancunes : "si un parent a aidé un enfant à acheter un appartement ou à lancer son activité, il est important que cela soit dit, assumé, et que les autres le sachent. Le silence est toujours le terreau de la discorde". Arnaud Galiber d'Auque insiste aussi sur une distinction capitale : l’égalité n’est pas l’équité. "Un partage strictement égal n’est pas toujours juste. Parfois, il faut tenir compte de la fragilité d’un enfant, ou de l’investissement personnel de celui qui s’occupe au quotidien de ses parents". Mais ces choix, insiste-t-il, ne doivent pas être faits en cachette : "un héritage injuste n’est pas forcément un héritage inégal ; c’est d’abord un héritage qui n’a pas été expliqué".

Hériter, un miroir des inégalités sociales

Si l’héritage suscite autant de tensions, c’est aussi parce qu’il met en jeu bien plus que des biens matériels. Il reflète les inégalités de notre société. "L’héritage médian en France est de 70.000 euros", rappelle la philosophe Mélanie Plouviez. "Cela signifie que la moitié des Français hérite de moins que cette somme, et que seule une minorité accède à de véritables fortunes", précise-t-elle. Un constat que confirme le notaire. Dans son étude, il voit passer toutes les situations, du modeste livret d’épargne à la transmission de grandes propriétés. "Pour certains, hériter signifie pouvoir boucler un crédit ou aider ses enfants à financer leurs études. Pour d’autres, c’est une rente qui change toute une vie. Les écarts sont vertigineux."

Les familles modestes, elles, n’ont ni les moyens ni l’information pour optimiser.

Et ces écarts ne cessent de se creuser. Comme le souligne Mélanie Plouviez, "le top 0,1 % des héritiers, qui reçoivent en moyenne 13 millions d’euros, payent un taux effectif d’imposition inférieur à 10 %". Une injustice fiscale que constate aussi Arnaud Galiber d'Auque au quotidien : "les dispositifs de transmission anticipée, comme les donations-partages ou l’assurance-vie, sont très efficaces… mais ils profitent surtout à ceux qui ont déjà beaucoup. Les familles modestes, elles, n’ont ni les moyens ni l’information pour optimiser."

Hériter d’une histoire, pas seulement d’un patrimoine

Au-delà des chiffres, l’héritage pose aussi une question de sens. Que transmet-on vraiment ? Pour Arnaud Galiber d'Auque, la réponse n’est pas uniquement financière. "Un héritage, ce sont des biens, mais c’est aussi une histoire familiale, une maison de vacances, des souvenirs communs. Quand tout cela n’est pas valorisé, on perd bien plus que de l’argent", explique-t-il. La philosophe Mélanie Plouviez renchérit : "le mérite de certains héritiers est simplement d’être nés dans telle famille." 

L’héritage ne devrait pas être une guerre. 

Mais ce constat peut aussi être l’occasion d’une réflexion collective : faut-il réinventer l’héritage, pour qu’il soit moins le reflet des inégalités et davantage un acte de transmission de valeurs communes ? "Parler, expliquer, préparer", martèle encore le notaire. Car dans son bureau, il voit trop souvent des familles se déchirer pour quelques mètres carrés ou des souvenirs mal partagés. "L’héritage ne devrait pas être une guerre. Il devrait être l’ultime occasion de rassembler."

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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