Guillaume Goubert | Orson Welles, génie innocent
Génie précoce du théâtre et du cinéma, Orson Welles a marqué le septième art par son audace narrative et sa liberté créative. La Cinémathèque de Paris lui consacre une grande exposition, invitant le public à redécouvrir l’œuvre et la modernité intacte du cinéaste.
Orson Welles © DROrson Welles, auquel la Cinémathèque de Paris consacre une
passionnante exposition. Cet homme, né aux États-Unis, dans le Wisconsin, en 1915, décédé en 1985, occupe une place unique dans l’histoire du cinéma. Chaque amateur de cinéma peut citer des auteurs qu’il admire : Jean Renoir, Federico Fellini, Ingmar Bergman, Stanley Kubrick, Wim Wenders. Mais aucun d’entre eux n’a l’aura particulière qui entoure Orson Welles. Pourtant, il n’a cessé de connaître des échecs et des déceptions. Certains de ses films ont été mutilés par les producteurs. D’autres sont restés inachevés malgré des années, parfois des décennies de travail. On connaît de lui une trentaine de scénarios jamais tournés. Il a souvent galvaudé son talent d’acteur dans de mauvais films, des émissions de télévision et des publicités afin d’essayer de réunir les fonds nécessaires à ses projets. « J’ai gâché ma vie à la recherche d’argent », disait-il tristement à la fin de sa vie.
Pourquoi alors une telle fascination ?
La figure de l’artiste maudit attire toujours. Mais, dans le cas d’Orson Welles, elle est secondaire. Il y a d’abord l’incroyable histoire du premier film de Welles, le plus célèbre premier film de l’histoire du cinéma, Citizen Kane, réalisé en 1940, alors qu’il n’avait que 25 ans. Venu du théâtre et de la radio, il ne connaissait rien aux techniques du cinéma. Il a résumé cela dans une magnifique formule : « I had the confidence of ignorance », j’avais la confiance de l’ignorance. Cette innocence lui donnait un regard neuf pour expérimenter toutes sortes de choses, que ce soit dans la construction du scénario ou dans la composition des images. Il en a résulté un film époustouflant, aujourd’hui encore, qui a changé le cours de l’histoire du cinéma. Un film dont il était le réalisateur, l’acteur principal et même le producteur exécutif. Ce qui a suscité beaucoup de jalousies et d’animosité à Hollywood. Il s’en est suivi de nombreuses déconvenues. Malgré cela, Welles n’a jamais renoncé à son ambition artistique, avec quelques grandes réussites comme réalisateur, par exemple La Soif du mal et surtout Falstaff. De grandes performances d’acteur, la plus célèbre étant celle du Troisième homme, film où il n’est présent à l’écran qu’une dizaine de minutes mais écrase tout par son génie.
Que voit-on dans une telle exposition ?
Des extraits de films, qui sont indispensables. Dans le cas présent, ils sont très astucieusement présentés. En fait, Orson Welles a commencé sa carrière d’artiste dès son adolescence et fut très tôt reconnu comme une sorte d’enfant-prodige. On dispose donc de nombreuses images de lui, souvent prises par de célèbres photographes, et des documents sur ses mises en scène de théâtre, par exemple le Macbeth de Shakespeare dont tous les acteurs étaient noirs. Immense audace pour l’époque. Il avait alors 21 ans. Orson Welles a été tout au long de sa vie un très bon dessinateur et se servait de ce talent pour préparer ses mises en scène et ses tournages. Il aurait pu être peintre et sa vie d’artiste en aurait probablement été moins frustrante. Cependant, il n’avait pas d’amertume. Il a dit un jour : « Chacun a beaucoup plus de capacités qu’il n’a de culot pour les mettre à l’épreuve. Et je regrette de ne pas avoir tenté plus aventures que d’en avoir trop tenté. » A la Cinémathèque de Paris, jusqu’au 11 janvier 2026.


Chaque mardi à 8h45, Guillaume Goubert et Simon de Monicault présentent une exposition ou un événement qui raconte l'histoire de l'art.




