Guillaume Goubert | Étretat, havre des peintres
Étretat est mondialement célèbre pour ses falaises de craie où l’érosion a creusé des arches et laissé une grande aiguille plantée dans les vagues.
Claude Monet Étretat, l’Aiguille et la Porte d’Aval, 1885, pastel sur papierJusqu’au début du XIXe siècle, ce paysage était inconnu de tous, sauf des pêcheurs qui habitaient le village. Étretat n’était même pas desservi par une route. Ce sont en fait les peintres qui ont mis ce paysage sur la carte du monde comme le démontre brillamment une exposition qui vient d’ouvrir au Musée des Beaux-Arts de Lyon. À partir des années 1820, Étretat devient en quelque sorte un village d’artistes qui aiment s’y retrouver pour travailler et échanger. Phénomène que l’on observera à la même époque dans d’autres lieux comme Barbizon, dans la forêt de Fontainebleau ou PontAven en Bretagne.
Qui sont ces artistes ?
La liste est longue. Elle commence par Eugène Delacroix, Camille Corot ou Victor Hugo, qui était écrivain bien sûr mais aussi dessinateur. Il y a un compositeur comme Jaques Offenbach ou l’écrivain Guy de Maupassant. Les peintres ne se focalisent pas seulement sur les falaises, ils peignent aussi la campagne environnante. Claude Monet y peint un célèbre paysage de neige avec une pie. Ou un déjeuner de famille dans la villa où il séjourne. Pendant des décennies, de grands noms de la peinture vont faire étape à Étretat : Eugène Boudin, Félix Vallotton, Eugène Caillebotte, Maurice Denis, Henri Matisse, Georges Braque. Autant d’artistes que l’on retrouve avec plaisir au fil de l’exposition. Ensuite les peintres ne s’y intéressent plus. L’heure est passée. Étretat devient un motif de la culture populaire, alimenté par l’inusable succès d’Arsène Lupin et de son aiguille soit disant creuse. La petite station balnéaire de Seine-Maritime souffre aujourd’hui de sur fréquentation touristique. Le nombre de visiteurs annuels approche les 2 millions. Alors qu’au même moment les modifications climatiques fragilisent les falaises. Pour éviter tout accident, la municipalité a désormais interdit l’accès des plages à proximité des arches. Là où les peintres ont si longtemps travaillé.
Les œuvres marquantes de cette exposition
Il y a deux salles incroyables, consacrées l’une à Gustave Courbet, l’autre à Claude Monet. Il est passionnant de voir comment ces deux hommes s’affrontent au paysage. Monet, le cadet, est familier de cette côte car il a passé son enfance au Havre. En revanche, Gustave Courbet est originaire de Franche-Comté. D’où peut-être une fascination particulière pour la puissance des flots. En septembre 1869, il assiste à un ouragan sur Étretat. Il en tire un tableau très célèbre, La Vague, qui obtiendra un grand succès au Salon parisien de 1870. Profitant de l’affaire, il en produira de nombreux exemplaires pour répondre à la demande. Claude Monet, au fil de ses séjours réalise, pour sa part, environ 80 toiles à à Étretat. Il lui arrive de travailler sur le motif, directement au pied des falaises. Au risque de se faire piéger par la marée. Il travaille à toute heure du jour, anticipant en quelque sorte ses célèbres cathédrales de Rouen. J’ai été particulièrement frappé par des pastels très colorés où la falaise avec son aiguille semblent avoir été croquées par le peintre norvégien Edvard Munch.


Chaque mardi à 8h45, Guillaume Goubert et Simon de Monicault présentent une exposition ou un événement qui raconte l'histoire de l'art.




