Plus de trois ans après le début de l'invasion russe de l'Ukraine, Kiev et Moscou reprennent des pourparlers directs en Turquie sans Vladimir Poutine. La Turquie avait accueilli des pourparlers entre Russes et Ukrainiens en mars 2022, mais sans aucun résultat. Les obstacles à un cessez-le-feu sont encore nombreux.
C’est une première depuis le printemps 2022, Ukraine et Russie se retrouvent autour d’une table sous l’égide de la Turquie. Mais après avoir fait durer le suspense, Vladimir Poutine ne sera pas là. Son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky l’avait pris au mot pour venir en face-à-face. La délégation russe sera composée de conseillers du Kremlin et sans le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Côté américain, le secrétaire d’État Marco Rubio sera présent. Même en l’absence de Poutine, cette reprise de contact direct entre les deux ennemis constitue un tournant.
"La géométrie des pourparlers change. La guerre se déroulait entre Russes et Ukrainiens. Mais les pourparlers ne se déroulaient qu'entre les États-Unis et la Russie. Un troisième segment opposait les États ayant adopté des sanctions à la Russie. Et un quatrième était constitué par la Chine, soutenant discrètement la Russie", rappelle Cyrille Bret, chercheur associé à l’Institut Jacques-Delors, spécialiste de la Russie et de l’Europe orientale. "Ce qui se passait sur le champ de bataille n'était pas reflété à une table de discussion diplomatique", ajoute-t-il.
Kiev, ses alliés européens et Washington désirent un cessez-le-feu total et inconditionnel de 30 jours avant de possibles négociations plus avancées. Jusqu’ici, la Russie a systématiquement esquivé l’idée d’un cessez-le-feu. C’est d’ailleurs pour éviter de répondre à cette demande que le président russe a proposé des discussions bilatérales directes. "Est-ce que les Russes sont prêts à un cessez-le-feu, alors qu'ils s'opposent catégoriquement à la présence de toute force de l'OTAN sur le sol ukrainien ?, s’interroge Carole Grimaud. Ce sera très compliqué, car pour les Russes, la condition d'un cessez-le-feu, c'est l'arrêt complet des aides militaires à l'Ukraine".
Le Kremlin garde depuis le début de l'invasion des exigences maximalistes : la "démilitarisation" de l'Ukraine, ce qui équivaudrait à sa reddition. La Russie revendique par ailleurs l'annexion de quatre régions du sud et de l'est de l'Ukraine qu'elle contrôle partiellement et de la péninsule de Crimée, annexée en 2014. Des exigences inacceptables pour Kiev, qui demande depuis des mois des "garanties de sécurité" solides, via une adhésion à l'Otan ou le déploiement d'un contingent militaire international, pour dissuader Moscou de l'envahir à nouveau. "Le différent est tellement substantiel, tellement profond, tellement structurel entre les deux pays et entre les deux leaders politiques qu'effectivement, la progression vers la paix ne peut être que très lente, très difficile et malheureusement très fragile", abonde Cyril Bret.
Pour maintenir la pression, les alliés européens de Kiev ont menacé la Russie de nouvelles "sanctions massives". L'UE a adopté mercredi un 17e paquet de sanctions contre la Russie ciblant les pétroliers de sa "flotte fantôme" lui permettant de contourner les restrictions. Les Américains pourraient mettre en place des droits de douane de 500 % contre le pétrole russe et les pays qui achètent ce pétrole. Face aux sanctions, la Russie se vante de la résilience de son économie bien aidée en cela par la Chine. "Mais l’économie russe connaît des soucis et décline contrairement aux deux années précédentes", relève Carole Grimaud. La Russie, à sa façon, maintient aussi la pression sur les Occidentaux. Ces derniers jours, d’importants mouvements militaires ont été observés proche de la frontière finlandaise.
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