JavaScript is required
Accueil
Guerre juste : que pense l'Église de ce concept ?

Guerre juste : que pense l'Église de ce concept ?

Un article rédigé par Baptiste Picot, Pauline de Torsiac - RCF, le 24 mars 2025 - Modifié le 26 mars 2025
Je pense donc j'agisGuerre juste : que pense l'Église de ce concept ?

Alors que la guerre menace l’Europe, le pape François appelle à la paix et au désarmement du monde, au travers d’une lettre publiée le mardi 18 mars 2025. Dans un monde sous tensions et en pleine mutation, comment comprendre le pacifisme des chrétiens ? Y a-t-il des guerres justes ? Comment se place la papauté dans ces guerres qui évoluent ? Et quel rôle l’Église pourrait prendre dans ces nouveaux conflits ? Une émission Je pense donc j‘agis, Présentée par Pauline de Torsiac et Melchior Gormand. 

La guerre juste est un concept qui légitimerait certaines guerres, qui deviendraient donc plus acceptables. © Ahmed akacha/PexelsLa guerre juste est un concept qui légitimerait certaines guerres, qui deviendraient donc plus acceptables. © Ahmed akacha/Pexels

"Nous devons désarmer les mots, pour désarmer les esprits et désarmer la Terre". Voici les mots que le pape François a inscrits dans sa lettre ouverte, publiée le 18 mars 2025 dans le journal italien Il Corriere della Sera. Un appel à la paix qui questionne la guerre qui se fait de plus en plus pesante sur le Vieux continent, notamment depuis l’invasion de l'Ukraine par la Russie il y a trois ans et les nouvelles tensions géopolitiques.

Comprendre le pacifisme de l'Église et des chrétiens 

Si l’Église est souvent associée à un message de paix, son rapport à la guerre est complexe. Frère Jacques-Benoît Rauscher, dominicain et enseignant en théologie morale à l’Université catholique de Lyon, rappelle "qu'un chrétien est respectable s’il refuse de toucher aux armes, mais il l’est tout autant s’il s’en saisit pour se défendre". Autrement dit, l’Église ne rejette pas en bloc l’usage de la force, mais elle l’encadre.

Parfois, l’usage de la violence est légitime

Ainsi, les raisons d’entrer en guerre et la manière dont elle est menée jouent un rôle important dans la qualification d’une guerre "juste" ou non. Pour le frère Jacques-Benoît Rauscher, "une guerre peut être légitime en réponse à une injustice ou une agression, mais elle doit respecter la vie, faire usage de la violence de façon proportionnée, et surtout, toujours se diriger vers la paix". Il ajoute "qu'il ne faut pas cantonner les chrétiens à être des pacifistes idéalistes. Parfois, l’usage de la violence est légitime".

François Mabille, chercheur associé à l’Iris et directeur de l’Observatoire géopolitique du religieux, nuance cependant cette approche : "Il n’y a pas un, mais des pacifismes. Si l’Église est pacifique, il faut nuancer entre les différents courants". Il préfère d’ailleurs parler de "légitime défense" plutôt que de "guerre juste", pour éviter toute dérive ou manipulation.

Si l’Église est pacifique, il faut nuancer
entre les différents courants

L’idée d’un pacifisme total a aussi ses limites. Comme le soulignait le pape Paul VI, "jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ! [...] Tant que l’Homme restera l’être faible, changeant, et même méchant qu’il se montre souvent, les armes défensives seront, hélas ! nécessaires". L’Église reconnaît ainsi que, dans un monde peuplé d’Hommes imparfaits, certaines formes de violence peuvent être inévitables.

Le rôle du pape dans des guerres qui évoluent

Avec l’évolution des guerres, l’Église a progressivement fait évoluer sa perception des conflits. Selon François Mabille, trois grandes étapes ont marqué son positionnement face aux guerres mondiales et aux nouvelles armes de destruction massive qui caractérisent les conflits du XXe siècle : "Il y a d’abord l’effroi de Jean XXIII, témoin de l’arme atomique et de ses ravages. Puis, la méfiance durant la guerre froide, et enfin, un rejet total des conflits de grande ampleur et de la dissuasion nucléaire"

La guerre est une structure de péché

Dès la Première Guerre mondiale, la papauté a d’ailleurs joué un rôle d’arbitre moral en dénonçant les horreurs des guerres modernes. Le pape qualifiait alors la Première Guerre mondiale de "boucherie qui déshonore l’Europe".

Le pape Jean-Paul II reprenait cette ligne en affirmant que "la guerre est une structure de péché". L’Église rappelle également que la fin ne justifie pas les moyens : "On ne peut plus parler de guerre juste lorsqu’on se sert d’armes chimiques ou atomiques", souligne frère Jacques-Benoît Rauscher.

François Mabille souligne tout de même que les Nations unies permettent, théoriquement, de limiter les dégâts des guerres : "La charte des Nations unies donne une façon de coder la guerre pour la rendre la plus tolérable possible". Cette condamnation des armes de destruction massive et des guerres de grande ampleur s’inscrit dans un cadre plus large, où le Vatican milite pour une limitation des armements et une diplomatie renforcée.

Le rôle de l’Église dans les guerres de demain

Face aux conflits émergents, l’Église peut s’impliquer davantage dans la recherche de solutions diplomatiques. Elle collabore d'ailleurs déjà avec l’ONU (Organisation des Nations unies) pour mettre en lumière des conflits souvent ignorés, comme en Centrafrique, en Amérique latine ou en Asie.

Selon François Mabille, la recherche de paix internationale et la construction d’instance supranationale est soutenue par l’Église et les chrétiens depuis longtemps : "Ce sont les papes et les minorités actives qui ont réfléchi sur la société internationale pacifiée, grâce à des courants de pensé comme l’œcuménisme ou le catholicisme social. Tout cela provient de l’Église".

"L’Église a une influence", affirme frère Jacques-Benoît Rauscher, qui insiste sur son rôle de médiatrice internationale. Il développe : "L’Église peut profiter de ce contexte pour préciser sa position vis-à-vis des guerres, et surtout, elle peut sortir du strict spirituel. Je souhaite que l’Église propose des solutions soutenues et menées par des États pour aller vers la paix".

Reste à voir si, dans un avenir proche, l’Église et les chrétiens auront assez de poids et d'influence pour influencer la scène internationale à propos de conflits de grande importance et de grande ampleur.

 

Pour aller plus loin :

  • François Mabille : Le Vatican : la papauté face à un monde en crise (Eyrolles, janvier 2025).
  • Frère Jacques-Benoît Rauscher:  Découvrez la Doctrine sociale de l’Église avant d’aller voter (Cerf).

 

© RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Je pense donc j'agis
© RCF
Découvrir cette émission
Cet article vous a plu ?
partager le lien ...

Pour aller plus loin

Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour

RCF vit grâce à vos dons

RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation  de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.

RCF
toujours dans
ma poche !
Téléchargez l'app RCF
Google PlayApp Store
logo RCFv2.14.0 (21796db) - ©2024 RCF Radio. Tous droits réservés. Images non libres de droits.