Brest
L'augmentation en Europe des budgets de défense pour faire face à la menace russe et au désengagement américain soulève des questions de financement et de capacités de production. Les Vingt Sept sont réunis ce jeudi à Bruxelles pour un sommet européen extraordinaire consacré au réarmement de l’Europe.
Au lendemain de l’allocution d’Emmanuel Macron aux Français, les Vingt Sept sont réunis aujourd’hui à Bruxelles pour un sommet extraordinaire consacré au réarmement de l’Europe et au financement de la défense. Le président français a évoqué un objectif "autour de 3 à 3,5 % du PIB". Actuellement, les budgets de défense des 30 pays européens de l'OTAN (hors Turquie) ont dépassé 450 milliards de dollars en 2024, soit 2 % de leur PIB, selon l'Alliance atlantique, mais avec de grandes disparités. Seuls la Pologne, les pays Baltes et la Grèce ont atteint voir dépassé les 3 %, la France et l'Allemagne sont tout juste à 2 %, l'Italie ou l’Espagne à moins de 1,5 %.
Face au risque de désengagement américain et à la menace russe, se trouve sur la table du Conseil européen, le plan dévoilé mardi par Ursula Van der Layen, la présidente de la Commission européenne. Baptisé "réarmer l’Europe", il prévoit de mobiliser près de 800 milliards d’euros. "C’est un changement d’échelle, dans le précédent projet européen pour le secteur de l'armement en Europe, qui s'appelait EDIP, on avait 1,5 milliard d'euros et cette fois-ci, on en a 150 milliards d'euros de prêts" souligne Philippe Perchoc, directeur d'IRSEM Europe, institut de recherche stratégique de l'Ecole Militaire. Ces fonds européens pourraient avoir plusieurs origines. "Il y a une partie de l’argent de la crise Covid qui n'a pas été utilisée et puis aussi, on va solliciter une partie des fonds structurels. C’est-à-dire des fonds alloués aux régions. Il y aura de la flexibilité pour les utiliser ans le secteur de la défense" ajoute-t-il.
Les Vingt-Sept pourraient emprunter via le Mécanisme européen de stabilité. Cela permettrait de sécuriser des taux bas pour des pays déjà fortement endettés comme la France. Enfin, la Banque Européenne d'Investissement pourrait aussi être sollicitée en révisant ses statuts.
Face aux réticences de certains pays comme la Hongrie ou la Slovaquie,"le dispositif pourrait être à la carte pour les états membres qui le souhaitent, voir pour des états membres de l’Otan, mais hors UE comme la Norvège ou le Royaume Uni" indique Philippe Perchoc. En parallèle, les Vingt-Sept devront aussi chercher des financements nationaux comme l’a évoqué mercredi Emmanuel Macron. Pour le permettre Bruxelles lâche la bride. Les dépenses de défenses pourront être exclues des règles budgétaires européennes pour un montant total estimé de 650 milliards d'euros.
Le plan européen vise aussi à réaliser des économies d’échelle dans les achats d’armement pour être plus efficace. "Le fait d'avoir 27 défenses, 27 pays qui investissent chacun de leur côté, ça coûte aussi très cher. On voit bien dans les mesures qui sont annoncées qu’un certain nombre de visent à pousser les Européens à dépenser en commun" relève Sylvie Matelly directrice de l'institut Jacques-Delors. La Commission européenne veut aussi davantage mobiliser le secteur privé et son plan "peut avoir un effet levier" estime Sylvie Matelly.
Financer pour réarmer, mais l’industrie de défense européenne peut-elle suivre ? Taillée après la Guerre froide pour des besoins limités, l'industrie de défense en Europe a augmenté certaines productions, comme les munitions, depuis l'invasion russe de l'Ukraine sans entrer dans l'"économie de guerre". "Ça prend du temps. Il faut réindustrialiser et cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il y a les compétences, il faut des ingénieurs, il faut des techniciens, c'est un savoir-faire technique très précis et très précieux. Il faut pouvoir former ceux qu'on n'a pas aujourd'hui sur le marché" explique Philippe Perchoc.
Dans ces conditions pour se fournir rapidement faut-il acheter ce qui est disponible donc américain ? "Ce débat essentiel va traverser les pays européens" pense Sylvie Matelly. D’un côté, les Européens restent dépendants des Etats-Unis pour certaines capacités-clés qu'ils mettraient des années à développer eux-mêmes, comme des moyens de frappes de précision ou de renseignement. Mais acheter hors Europe peut exposer à des revirements des pays exportateurs à une dépendance en munitions ou pièces détachées par exemple. Les Vingt-Sept pourraient ainsi se mettre d’accord pour des quotas d’équipements européens. Enfin, ce réarmement implique aussi pour les armées de recruter des soldats, mais c’est un autre problème.
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