Depuis le 31 janvier, le Pass Culture collectif est gelé jusqu’à la rentrée scolaire de septembre 2025. Une décision qui inquiète profondément les acteurs du monde artistique, pour qui ce dispositif représentait une ressource essentielle. Pour en parler, nous avons recueilli les témoignages de Mona Chalo, comédienne et metteuse en scène dans une compagnie des Deux-Sèvres, et de Sébastien Coutant, comédien, conseiller national du Syndicat français des artistes-interprètes (SFA) et membre de la commission exécutive de la CGT Spectacle.
« Depuis l’annonce, on a déjà deux dates annulées en avril. Les structures ne savent pas si elles pourront nous faire intervenir », déplore Mona Chalo. Sa compagnie, qui intervient notamment avec du théâtre forum une forme participative mêlant prévention et expression artistique est directement touchée. « Le théâtre forum pourrait même être supprimé du dispositif », s’inquiète-t-elle, soulignant que ces représentations représentaient jusqu’à cinq dates par mois.
Sébastien Coutant va plus loin : « C’est une politique abjecte. On empêche les élèves d’accéder aux œuvres, les enseignants de monter des projets. Ce gel met en péril non seulement notre activité, mais aussi le lien vital entre les jeunes et la culture. »
En 2025, 72 millions d’euros avaient été votés pour le Pass Culture collectif moins que les 97 millions effectivement dépensés en 2024. Selon la ministre de la Culture Rachida Dati, cette décision découle du dépassement anticipé de l’enveloppe de 50 millions sur le premier semestre. Pour les artistes, c’est une gestion incohérente. « Le ministère connaît le nombre d’élèves, les besoins des établissements. Ils savaient que ça exploserait », dénonce Sébastien Coutant.
Le gel ne concerne pas uniquement les artistes : il touche aussi les enseignants et les élèves, pour qui ces actions culturelles sont souvent la seule porte d’entrée vers certaines formes d’art.
Moins de projets, c’est aussi moins d’heures de travail pour les artistes et donc, moins de droits ouverts à l’intermittence du spectacle. « Certains ne pourront plus renouveler leurs droits à l’assurance chômage. Sans activité, ils basculent dans la précarité », explique Sébastien Coutant.
Mona Chalo confirme : « La moitié de mes heures pour l’intermittence viennent du Pass Culture collectif. On ne sait pas comment on va faire maintenant. »
Le phénomène reste pourtant invisible pour le grand public : pas de plan social officiel, simplement des contrats qui ne tombent plus, des projets qui ne voient pas le jour.
Au-delà du Pass Culture, c’est toute la culture de proximité qui est menacée. Les collectivités territoriales, principales financeuses de la culture locale, voient elles aussi leurs budgets réduits. « Évidemment, les premières coupes se font sur la culture », souligne Sébastien Coutant.
Résultat : des compagnies en difficulté, des centres sociaux qui annulent leurs programmations, des auteurs, danseurs, plasticiens ou journalistes qui ne peuvent plus intervenir dans les écoles. « Ce sont des plans sociaux qui ne disent pas leur nom », conclut-il.
Face à cette situation, les artistes ne comptent pas rester silencieux. Des assemblées générales ont lieu un peu partout en France et l’idée d’organiser des États Généraux de la Culture est en cours de réflexion. « C’est à nous de leur rappeler que l’art et la culture ne sont pas des options », clament en chœur Mona Chalo et Sébastien Coutant.
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