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Fin de vie : le point de vue du Pr Vincent Morel, chef du service de soins palliatifs du CHU de Rennes

Fin de vie : le point de vue du Pr Vincent Morel, chef du service de soins palliatifs du CHU de Rennes

Un article rédigé par Cécile Pollart - le 15 mai 2025 - Modifié le 16 mai 2025
Le grand invité du matinFin de vie : Le Pr Vincent Morel, chef du service de soins palliatifs du CHU de Rennes

Depuis ce lundi 12 mai, les débats ont repris à l’Assemblée nationale autour de la fin de vie. Le texte initial, un projet de loi présenté en mars 2024, a été scindé en deux propositions de loi. L’une vise à déployer les soins palliatifs, l’autre à ouvrir le droit une aide à mourir. Deux votes solennels sont prévus à la fin de l'examen parlementaire, le 27 mai.

Le professeur Vincent Morel est chef du service de soins palliatifs du CHU de Rennes et président du Comité d'éthique de l'hôpital public. Il plaide pour une approche “équilibrée” qui ne propose pas qu’une “réponse médicale” à un débat “sociétal”. Il est également l'auteur de l'ouvrage "Face à la fin de vie", paru en mars dernier aux presses universitaires de Rennes. 
 

Le professeur Vincent Morel est chef du service de soins palliatifs du CHU de Rennes ©Cécile PollartLe professeur Vincent Morel est chef du service de soins palliatifs du CHU de Rennes ©Cécile Pollart

Parlez-nous du travail en soin palliatif.

L'objectif des soins palliatifs est de soulager les patients avec l'idée de les prendre en charge le plus précocement possible. Nous savons qu'en accompagnant mieux les patients, non seulement leur qualité de vie va être meilleure mais ils vont pouvoir vivre plus longtemps. 

J'ai l'habitude de dire que l'objectif des soins palliatifs, c'est d'accompagner la vie. Nous ne sommes pas une médecine qui nous occupons de personnes qui meurent, nous sommes une médecine qui nous occupons des personnes qui vivent encore, qui vivent certes parfois leurs derniers instants mais le plus confortablement possible.

Depuis le début de la semaine ont repris les discussions parlementaires autour de ce qui a d'abord été un projet de loi, puis deux propositions de loi, l'une portant sur les soins palliatifs et l'autre portant sur l'aide active à mourir. Comment regardez-vous la réouverture de ces débats dans la société ? 

Ce qui est important, c'est qu'on échange sur cette question. Aujourd'hui, le débat porte sur deux sujets. Un sujet consensuel, le développement des soins palliatifs, c'est la première partie de la loi. Et c'est extrêmement important d'améliorer notre offre de soins palliatifs sur l'ensemble du territoire parce qu'aujourd'hui c'est moins d'une personne sur deux qui bénéficie d'un accès soit une structure, soit à des compétences en soins palliatifs. Donc le développement des soins palliatifs est consensuel. […]

Il y a un deuxième sujet qui est un sujet plus sociétal que médical qui est la question de l'euthanasie, de l'assistance au suicide ou de l'aide à mourir et on voit bien que sur ce sujet, il y a des tensions. Il y a des zones de fractures parce qu'il y a des des points de désaccords.

Est-ce que les les médecins ont une place majeure dans ce débat-là ? 

Dans ce débat, on demande beaucoup de choses aux médecins. Je ne sais pas si c'est la place des médecins, ou exclusivement des médecins, que de participer à ce débat. Le fait d'interroger en permanence la médecine, ça dit quelque chose d'une forme de médicalisation de la mort

C'est-à-dire qu'on a confié à la médecine le sujet de la mort. on lui demande de s'investir encore plus en allant par exemple jusqu'à l'euthanasie où le médecin pourrait être la personne qui donne la mort. Fondamentalement, je pense que ce n'est pas une fonction médicale. 

Ça ne veut pas dire pour autant que la société ne peut pas s'interroger sur le fait de savoir s'il ne faudrait pas ouvrir ce droit. Et si ce droit s'ouvre, on voit qu'il y a une différence entre l'euthanasie, où c'est un geste confié au médecin de donner la mort, et l'assistance au suicide, où c'est la personne elle-même qui va faire le geste et on va l'accompagner. S'il y a une ouverture à un droit, il faut qu'il y ait un accompagnement, une solidarité humaine autour de cette personne. Mais fondamentalement, je me pose la question de savoir si cette solidarité doit être une solidarité médicale.

Dans les services de soins palliatifs, vous êtes confronté régulièrement à des patients qui demandent la mort. Comment on accueille en tant que médecin cette demande ?

L'écoute d'un patient qui demande à mourir, c'est mon quotidien. Donc, décrypter cette écoute, voir comment on va pouvoir le soulager, l'accompagner, parce qu'on sait que quand on écoute une personne, cette demande de mort va s'atténuer, parfois même va totalement disparaître. C'est important de s'assurer qu'aucune personne ne fasse une demande d'aide à mourir par défaut d'accès aux soins ou parce qu'il souffre ou parce qu'il n'est pas écouté.

La moitié des personnes qui demandent à mourir, ce sont des études maintenant bien connues, demandent à mourir parce qu'elles attendent que la mort arrive. Elles ne demandent pas à ce qu'on accélère le décès. Là, on va écouter, attendre avec elles, et on va aller les accompagner dans le cadre d'une loi aujourd'hui qui leur permet de les assurer qu'ils seront soulagés, écoutés et qu'ils ne subiront pas d'acharnement thérapeutique. Ce sont les repères de la loi actuelle Claeys-Leonetti qui va jusqu'à offrir à ces patients la possibilité de pouvoir avoir une sédation à la fin de leur vie, c'est-à-dire de pouvoir dormir pour ne pas souffrir alors qu'elles vont mourir. Voilà le cadre que l'on propose à ces personnes.

Sur les personnes qui vont demander à accélérer, à peu près 50 % des personnes qui disent la phrase "Je veux mourir". Ces personnes vont demander à ce qu'on accélère la venue de leur décès parce qu'elles souffrent, parce qu'elles ne sont pas écoutées, parce qu'elles craignent l'acharnement thérapeutique ou parce qu'elles ont peur d'un avenir, dans les jours ou les semaines à venir, où elles ont peur de souffrir ou de ne pas être écoutées. Et donc, mon rôle de soignant et de professionnel de santé, c'est de les accompagner, les soulager, les rassurer et les prendre en charge. 

Et puis, vous avez quelques personnes, je les rencontre, je les connais, qui vont demander à mourir parce qu'elles sont dans un objectif de maîtrise, de contrôle d'elles-mêmes, elles font valoir une liberté de pouvoir choisir l'instant de leur mort.
Elles sont dans une demande qui est plus une demande sociétale que médicale, en tout cas pour laquelle je ne vois pas de réponse médicale.

Comment jugez vous le texte actuellement en débat ?

Nous avions un texte initial qui avait comme principe général l'assistance au suicide et l'exception d'euthanasie. Le texte qui est sorti de la commission parlementaire est à mon avis déséquilibré sur ce point-là puisqu'il met à part égale l'euthanasie et l'assistance au suicide au choix du patient. Et on sait bien au regard de l'expérience internationale que ça sera l'euthanasie à ce moment-là qui sera le principe général. J'avoue que je suis très inquiet quand je vois le texte qui sort de la commission des affaires sociales par rapport au texte initial. C'est un texte qui est extrêmement permissif et qui est probablement aujourd'hui le texte le plus permissif au monde.

Je plaide pour que lors des travaux de l'Assemblée nationale et les travaux qui suivent, on revienne à un texte plus contenu qui permette certes d'entendre les personnes qui puissent faire une demande d'aide à mourir, mais qui permette aussi d'assurer de continuer à être attentif à toutes les personnes qui sont en situation de fragilité ou de vulnérabilité. 

J'attendrais quand même plutôt du débat qu'on revienne à un modèle qui dise que cette aide à mourir puisse être contenue lorsque deux éléments sont présents : la notion de souffrance et la notion de mort raisonnablement attendue. C'étaient les critères initiaux du Québec.

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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