Filière porcine : un rapport pointe ses impacts financiers et environnementaux
Quelles réalités derrière les rayons de charcuterie ? La Fondation pour la nature et l’homme a présenté ce lundi après-midi, à l’Assemblée nationale, un rapport sur la filière porcine. Le document explore les soutiens publics, les impacts environnementaux ou la prise en charge des conséquences sanitaires, avant de livrer des recommandations. Explications.
La Fondation pour la Nature et l'Homme a présenté ce lundi un rapport sur la filière porcine. "La filière porcine, un modèle qui nous coûte cher." Le titre est sans équivoque. Dans un rapport de 75 pages, présenté ce lundi à l'Assemblée nationale, la Fondation pour la Nature et l'Homme s'interroge : "Quelles réalités derrière les rayons de charcuterie dynamiques, les revenus agricoles parmi les plus élevés du secteur et un bassin d'emplois important en Bretagne (près de 2% des actifs de la région) ?"
Pendant plusieurs mois la Fondation a épluché les comptes, analysé les données. Dans le viseur : les soutiens publics, les impacts environnementaux et la prise en charge des conséquences sanitaires.
2,8 milliards d'euros par an
"La facture supportée par le contribuable est estimée à 2,8 milliards d'euros par an", explique l'ONG. Dans son rapport, elle pointe tout d'abord les conséquences sanitaires de la surconsommation de charcuterie (pour 63% des Français). "Elle constitue un important facteur de risque pour de nombreuses pathologies (aggravé par la présence de nitrites). [...] Sept pathologies sont particulièrement identifiées par l'étude de référence mondiale sur les facteurs de risques sanitaires - Global Burden of Disease (GBD) - que nous avons utilisé pour calculer les dépenses de santé liées."
L'estimation de la Fondation fait apparaître un coût annuel de 1,9 milliards d'euros, dont 1,3 milliards d'euros liés aux traitements et soins du diabète seul. Viennent ensuite les dépenses liées au cancer colorectal, à la cardiopathie ischémique, à l'insuffisance rénale chronique, ...
162 millions d'euros pour traiter les pollutions
Aux données sanitaires, s'ajoute l'impact environnemental. 162 millions d'euros seraient dépensés, chaque année, pour traiter les pollutions, dont 95 millions rien qu'en Bretagne. "Ces montants sont issus d'un recensement rigoureux des dépenses effectuées par l'Etat, les collectivités et les agences publiques", précise l'ONG. Ils seraient liés à la pollution de l'élevage porcin : celle de l'air (138 millions d'euros dont 79 pour la Bretagne) et de l'eau (24,6 millions d'euros dont 15 pour la Bretagne).
"Dans une approche prudente, seuls les impacts ayant donné lieu à une dépense publique réellement effectuée apparaissent, tandis que d'autres dommages restent invisibles", poursuit la Fondation.
823 millions d'euros de financements publics annuels
Dans son rapport, l’ONG s’intéresse également aux financements publics annuels : 823 millions d’euros. “Des soutiens financiers plus directs qui confortent la filière dans un modèle ayant pour objectif des volumes de production élevés. Malgré ces soutiens financiers, la filière ne parvient pas à contenir la destruction tendancielle du nombre d’emplois liées à l’intensification des pratiques qui nécessite de moins en moins d’emplois par kilo de viande produite”.
L’ONG a, par ailleurs, réalisé un travail pour estimer les revenus dégagés par les exploitations porcines sur la base de l’année 2023. “Il révèle de très fortes inégalités. Alors qu’environ 5 % des sites d’élevages porcins génèrent 237 000 euros de revenus par associé, 7% des exploitations porcines génèrent un revenu négatif.”
Cinq grandes priorités
Face à ces états de lieux, la Fondation pour la nature et l’homme propose d’organiser une planification de la transition de la filière à 2040. Pour cela, elle formule cinq priorités :
- renforcer la Stratégie nationale alimentation nutrition climat afin de réduire la consommation de viande porcine de moitié et accompagner la filière vers une montée en gamme.
- développer les contrats tripartites avec un objectif minimum de 30 % du chiffre d’affaires réalisé en rayon sur de la charcuterie bio à 2040.
- conditionner les exonérations sociales, fiscales et les subventions à des critères sociaux, environnementaux, de santé publique, et de bien-être animal.
- créer un fonds de transition agroécologique abondé grâce aux économies réalisées sur les impacts environnementaux et de santé publique et abondé par un pourcentage des bénéfices générés par les entreprises agroalimentaires et de la grande distribution.
- lancer un plan de désendettement des éleveurs puis de restructuration-diversification des exploitations grâce à ce fonds de transition agroécologique et en suivant l’exemple d’autres pays européens déjà engagés dans cette voie.
“Un rapport à charge” pour la FRSEA
Une approche dénoncée par la Fédération régionale des exploitants agricoles. Joint au téléphone, Thomas Guégan, responsable de la filière porcine du syndicat, dénonce "un rapport à charge." "La France est le pays européen qui a le plus diminué la part de sel dans les charcuteries pour une question de santé publique et nous n'en parlons jamais. On tape toujours sur les mêmes par dogmatisme sans prendre en compte les évolutions. Il y en a ras le bol."
Il y a des solutions.
"C'est un modèle qui coûte cher mais il y a des solutions, ajoute Thomas Uthuyakumar, directeur du plaidoyer de la Fondation pour la nature et l'homme. Nous ne voulons pas casser la filière, nous voulons ouvrir le dialogue." L'ONG qui avait déjà réalisé un travail sur la filière bovine annonce de prochains rapports.
"Notre objectif est d'avoir une photographie de l'état de santé socio-économique des différents secteurs agricoles pour comprendre ce qui s'y passe, donner une résonance au contexte politique et tenter de voir si une autre voie est possible : celle de l'agroécologie."



