Fast fashion : peut-on consommer autrement sans renoncer à la mode ?
Chaque semaine, de nouvelles collections inondent les rayons. La fast fashion, ou mode rapide, s’est imposée comme le modèle dominant de l’industrie textile. Des vêtements produits à la chaîne, vendus à prix cassés, portés quelques fois, puis oubliés. Mais derrière cette accessibilité se cache un coût humain et environnemental considérable.
© FreepikQu'est-ce que la fast fashion ? Selon le professeur Sihem Dekhili, directrice de recherche à l’ESSCA de Strasbourg et spécialiste en marketing durable, "il s’agit d’un modèle basé sur la surproduction, la réduction des coûts et l’incitation à la surconsommation. On produit beaucoup, on attire le consommateur et on l’incite à renouveler ses achats régulièrement".
La fast fashion, un modèle économique sous le feu des critiques
Des acteurs comme Zara, H&M ou Shein incarnent cette pratique. Audrey Millet, ancienne styliste et chercheuse associée au CNRS, précise qu'aujourd'hui, "lorsqu’on achète un t-shirt de fast fashion, il a souvent voyagé plus que vous : fil fabriqué en Inde, confection au Laos, impression en Turquie… Et tout cela pour arriver à des prix extrêmement bas, souvent au détriment des ouvriers et de l’environnement".
Le Rana Plaza, c’est un choc qui aurait dû éveiller les consciences.
Des conséquences sociales et écologiques dramatiques. L’effondrement du Rana Plaza en 2013, au Bangladesh, reste le symbole de cette industrie : près de 1.200 morts et 2.500 blessés. "Les syndicats avaient alerté la veille, mais on a demandé aux ouvriers de revenir travailler. C’est un choc qui aurait dû éveiller les consciences", rappelle Audrey Millet. Pourtant, selon le Baromètre de la Mode Éthique ESSCA / L’ObSoCo cité par le professeur Dekhili, seuls 12 % des Français considèrent aujourd’hui l’impact environnemental et social de la mode comme catastrophique. Elle souligne d'ailleurs la distinction entre mode et tendance : "la mode peut être éternelle, elle doit apporter du plaisir au consommateur, un statut, de la beauté. La durabilité vise à allonger la durée de vie des produits, contrairement aux tendances éphémères qui favorisent la surconsommation".
Vers une consommation plus responsable et durable
Acheter moins, mais mieux : un défi pour le consommateur. Les solutions existent, mais nécessitent un changement de mentalité. Parmi elles : la seconde main, l’upcycling, la location de vêtements, ou encore le choix de marques éthiques. Comme le souligne Audrey Millet, "Vinted a un double visage : c’est fantastique pour adopter des vêtements plus anciens et réparer certains articles, mais cela peut aussi encourager une surconsommation de seconde main si l’on achète sans réflexion".
Il y a encore beaucoup à faire pour inventer un vestiaire responsable.
Les témoignages des auditrices illustrent l’importance de la prise de conscience. Marguerite explique que "l’idée de jeter un vêtement était insupportable. On achète de la qualité, on en prend soin et cela peut durer dans le temps". De son côté, Edith souligne l’accomplissement et le plaisir d’avoir fabriqué soi-même ses vêtements : "faire quelque chose de ses mains est très bénéfique et permet d’adopter une mode plus durable". Sihem Dekhili conclut sur l’importance de repenser la valeur du vêtement. "Les consommateurs achètent pour répondre à un besoin et à un désir, mais il faut inverser les imaginaires et inscrire la durabilité dans des modèles plaisants. Acheter un produit de qualité, c’est investir sur le long terme et réduire l’impact environnemental", sougline-t-elle.
Il faut repenser nos habitudes d’achat dès le plus jeune âge.
Un chemin encore long vers la durabilité. Le professeur Dekhili rappelle que le prix reste le principal frein : "les Français ne sont prêts à payer que 7 % de plus pour un produit issu de mode durable. Il faut donc rendre ces produits plus accessibles et repenser nos habitudes d’achat dès le plus jeune âge". La fast fashion questionne autant notre rapport à la mode qu’à la consommation. Entre urgence écologique et plaisir individuel, la réflexion collective devient indispensable. Comme le résume Audrey Millet, "entre éphémère et éternelle, mode et style, il y a encore beaucoup à faire pour inventer un vestiaire responsable".


Cette émission interactive présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité, et pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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