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Face aux déserts médicaux, la régulation des médecins n'est pas "une solution miracle" pour le professeur Chapron

Face aux déserts médicaux, la régulation des médecins n'est pas "une solution miracle" pour le professeur Chapron

Un article rédigé par Alix Berteloot - RCF Bretagne, le 3 avril 2025 - Modifié le 4 avril 2025
Le grand invité du matinEn Bretagne, les jeunes médecins incités à s'établir dans les déserts médicaux

Comment lutter contre les déserts médicaux ? Le sujet est récurrent dans le débat politique pour contrer la pénurie de médecins. À l'échelle locale, des initiatives existent dès la formation pour inciter les étudiants à s'installer dans ces villes à leur sortie d'études. Entretien avec Anthony Chapron, directeur du département de médecine générale à l’université de Rennes 1 et médecin généraliste installé à Quévert (Côtes-d'Armor). 

Le projet d'une quatrième année de médecine pour enrayer les déserts médicaux se concrétisera en novembre 2026, malgré des contestations de la part des étudiants lors de son instauration. © Parentingupstream/PixabayLe projet d'une quatrième année de médecine pour enrayer les déserts médicaux se concrétisera en novembre 2026, malgré des contestations de la part des étudiants lors de son instauration. © Parentingupstream/Pixabay

Le mercredi 2 avril 2025, les députés ont adopté un texte visant à réguler l’installation des médecins sur le territoire pour remédier à la problématique des déserts médicaux. Une disposition qui soulève le mécontentement des organisations médicales. Professeur Chapron, qu'en pensez-vous ?  
"Lorsque l''on cherche à réguler, c'est que l'on a une offre excédentaire ou pléthore d'effectifs. Or là, la problématique est que l'effectif est déficitaire et non pas excédentaire."

Sommes-nous en pénurie de médecin ?
"Oui, on est en pénurie de médecins et pas qu'en médecine de ville ! C'est à tous les échelons : en médecine générale, en ville, dans les établissements de santé, dans certaines spécialités. Aujourd'hui, on ne trouve pas de spécialistes à moins de faire des dizaines et des dizaines de kilomètres et les délais de rendez-vous sont très importants. L'offre est déficitaire. Donc aujourd'hui, s'il y a de la régulation, cela ne va pas être une solution miracle qui va remettre des spécialistes et des médecins au pied de la porte de chaque patient. Les carences sont très importantes et les effectifs de médecins ne reviendront à des effectifs corrects que d'ici une dizaine d'années, selon toutes les simulations."

Favoriser les études dans les zones sous-dotées

Ces carences existent-elles en Bretagne ?
"Elles existent en Bretagne mais sont un peu moins ressenties. Concernant la médecine générale, les études montrent qu'actuellement un Breton est à moins de dix minutes d'un médecin généraliste, ce qui n'est pas le cas dans d'autres territoires nationaux géographiques." 

Selon vous, dans quel sens devrait aller le législateur pour faire face à ces difficultés d'accès aux soins ?
"S'il y avait une recette miracle, cela ferait longtemps qu'elle serait mise en place. Il a été montré par des études validées scientifiquement que favoriser les études des futurs soignants dans ces zones sous-dotées va favoriser leur retour. Quand on intègre, dans les facultés de médecine, des étudiants originaires de ces zones, ou qu'on organise des stages à ces endroits avec des maîtres de stage recrutés dans ces territoires, et que l'on a les capacités d'accueil, ces médecins y reviennent. Ils sont favorables, enthousiastes pour exercer en tant que médecin."

220 docteurs juniors bientôt sur le terrain

En tant que directeur du département de médecine générale à l’université de Rennes 1, vous côtoyez des étudiants en médecine. Comment réagissent-ils à ces annonces qui prévoient d'encadrer leur installation à leur sortie d'études ?
"Ils les voient avec de la peur, comme chaque sujet qui revient tous les ans au Parlement. Ils ont peur de s'être engagés dans une filière avec leurs souhaits d'une vie qu'ils organisent selon leurs priorités familiales, personnelles, professionnelles et qu'ils ne puissent pas mettre en place du fait de nouvelles règles du jeu. 
Pour autant, ils essaient de se rassurer en se disant que ces propositions n'ont jusqu'à présent jamais abouti."

Aujourd'hui, il faut compter dix ans d'études pour être médecin ?
"Oui, à partir de novembre 2026 débute ce que l'on appelle la 'quatrième année de l'internat de médecine générale'. Nous allons avoir des docteurs juniors de médecine générale. Ces médecins, qui ont passé leur thèse, sont en capacité d'exercer tout en terminant leur formation sous la supervision de médecins maîtres de stage. À l'échelon de la Bretagne, entre l'Université de Rennes et celle de Brest, cela représente environ 220 docteurs juniors de médecine générale que nous allons répartir sur les cabinets et les territoires qui en ont le plus besoin, en concertation avec l'Agence régionale de santé. Concrètement, ce serait un cabinet où il manque deux ou trois médecins par rapport à l'activité. Le médecin junior va arriver en renfort pendant un an. Le pari des autorités, c'est qu'à l'issue de cette année de doctorat junior, le médecin se plaît dans le cabinet et auprès de la patientèle. Pour qu'il puisse convertir cela en installation définitive entre guillemets. À défaut, si le médecin souhaite repartir, d'avoir un remplaçant."

Des internats ruraux qui font leur preuve

À l'échelle locale, il existe des initiatives pour inciter les étudiants à leur sortie d'études à venir s'installer dans ces déserts médicaux. Et parfois même dès la formation. Exemple avec les internats ruraux qui ont été lancés comme à Créhen (Côtes-d'Armor) en 2024. Comment cela fonctionne ?
"Il s'agit de créer des lieux d'hébergement pour les étudiants en santé. On parle souvent 'd'internat rural' pendant un stage. Celui de Créhen a été préfigurateur. Aujourd'hui, il y a cinq internats ruraux sur les Côtes-d'Armor et un internat rural dans le Morbihan autour de la commune de Le Sourn. Ces lieux permettent à l'étudiant en médecine de ne pas faire un aller-retour sur Rennes tous les jours et d'avoir un hébergement à proximité de son lieu de stage. Nos étudiants vont donc très facilement aller sur des territoires éloignés de l'université et des pôles hospitaliers. Concrètement, ils payent un loyer modique fixé par l'Agence Régionale de Santé en lien avec ses partenaires locaux. Ils viennent vivre, dormir et faire leur vie sur ces terrains ruraux. Cela facilite les stages sur des zones géographiquement plus éloignées que là où ils seraient allés naturellement."

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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