Face au mal-être, le milieu rural tente d'agir

Dans les déserts médicaux, les habitants peinent parfois à se soigner… Et c'est encore plus vrai, lorsque l'on parle de santé mentale. Outre le manque de spécialistes, la campagne pâtit aussi d'une culture où le mal-être est encore un tabou.

Afin de changer ces habitudes et de trouver des solutions, les institutions se mobilisent. Et particulièrement, la sécu des agriculteurs, connue sous le nom de Mutualité sociale agricole (MSA). D'après des chiffres publiés en 2022, par la MSA le mal-être serait un vrai fléau dans le monde paysan, causant près de deux décès par jour. Les taux de suicides demeurent, d'ailleurs, les plus élevés de la population active, supérieurs de plus de 40 %. "On a affaire à des chefs d'entreprises, très isolés et qui ont beaucoup de choses à gérer", souligne Gérard Gallo, éleveur ligérien à la retraite. Pour lui, il est nécessaire d'identifier ces personnes le plus tôt possible pour "ramener du dialogue, de l'échange et leur dire qu'ils ne sont pas tout seuls".

Les Sentinelles, des yeux et des oreilles pour agir

Pour ce faire, Gérard Gallo est devenu une Sentinelle. Au sein de ce réseau, créé par la MSA, des agriculteurs et agricultrices, des agents administratifs, des élus, ou même de simples citoyens... En Ardèche, dans la Drôme et la Loire, ils sont près de 400 à veiller quotidiennement sur leurs voisins, collègues, concitoyens ou usagers... Formées à détecter les risques de mal-être, ces Sentinelles sont attentives au moindre signe : un changement d'habitude, une tendance à s'isoler, à se désorganiser ou de simples mots évoquant ce mal silencieux. Quand ils ou elles voient des difficultés, les Sentinelles se rapprochent des personnes concernées et tentent d'obtenir leur accord pour donner l'alerte. Qu'ils s'agissent de problèmes économiques, familiaux, administratifs ou de santé, la MSA se charge ensuite de trouver les aides nécessaires pour répondre aux difficultés des personnes concernées.

Depuis leur création, en 2021, les Sentinelles ont fait leur preuve dans de nombreux départements. Rien qu'en 2024, plus de 6000 signalements avaient été fait à la MSA, partout en France, soit 30 % de plus que l'année précédente. Pourtant, le problème est loin d'être réglé en milieu rural... Ces territoires isolés sont, encore aujourd'hui, plus exposés que les zones urbaines à ce risque de mortalité par suicide. Particulièrement les hommes, âgés de 40 à 55 ans. Entre problématique sociétale et de santé publique, le mal-être est l'affaire de tous. 

Quand les solutions émanent des citoyens

Sensibiliser, déstigmatiser, améliorer la prévention ou encore l'accompagnement... Pour cela, la MSA Ardèche Drôme Loire a imaginé un événement unique en France : un hackathon citoyen afin de trouver des solutions qui émanent du terrain et des habitants. Mi-novembre, à Loriol-sur-Drôme, une centaine de personnes étaient mobilisées pour cette première. Au programme, des témoignages et expertises en matinée, avant de se lancer dans le coeur du sujet, l'après-midi... En quelques heures, les groupes composés d'une dizaine de personnes devaient imaginer des initiatives locales en faveur de la santé mentale. Un bus dédié à la santé mentale, des spectacles pour sensibiliser et faire du lien, ou encore un événement sportif. Dans la salle, les idées fusent...

Après une journée de réflexion, vient le moment du verdict. Après avoir présenté leur projet sur scène, les dix groupes attendent la délibération du jury... Cinq minutes plus tard, le couperet tombe, c'est finalement le projet "Bien dans tes baskets" qui a remporté la première place. Il s'agit d'une course pour sensibiliser à la santé mentale en milieu rural, avec une première édition qui pourrait être organisée très bientôt, à Loriol, dans la Drôme. 

Deux numéros d'urgence existe, Prévention du suicide au 3114 et Agriécoute au 09 69 39 29 19. Ils sont disponibles 24h/24, 7j/7.