Face à l'instabilité politique et sociale le président du Medef 43 est "inquiet"
A quelques jours d’une semaine inédite avec, en l’espace de quelques jours, un vote de confiance à l’Assemblée Nationale et un appel au blocage du pays lancé sur les réseaux sociaux. Comment les chefs d’entreprises d’Auvergne appréhende cette séquence ? Entretien avec Jérôme Chalaye, PDG du groupe MCC et président du Medef de Haute-Loire.
Jérôme Chalaye (à droite) et Stéphane Vray (à gauche) président et délégué du Medef 43 dans les studios de RCF @RCF 2025Stéphane Longin : 15 mois après la dissolution de l’Assemblée Nationale et un an après la chute du gouvernement Barnier, comment abordez vous cette séquence inédite ?
Jérôme Chalaye : Avec beaucoup d'incertitudes ! Puisque depuis un an on vit au fil des changements et des nouvelles orientations en fonction de la composition du gouvernement. Et tout cela, sous la regard de notre président de la République qui semble se désintéresser du quotidien des Français pour se tourner vers l'international. Alors c'est vrai que le chef d'entreprise que je suis et les nombreux chefs d'entreprises avec qui nous pouvons échanger au sein du Medef me font part de leur incertitude et voir même de leur forte inquiétude par rapport aux prochaines échéances politiques. “On attend”, voilà ce que j’entends… “on attend de voir” sachant qu’en tant que dirigeant nous avons l’habitude de mettre en place des stratégies sur deux ou trois ans. Aujourd’hui plus personne ne fait ça et les stratégie sont plutôt sur 6 mois. Et ça c’est parce que nous n’avons par de lignes directrices et que c’est un vrai problème pour les chefs d’entreprises.
SL : On a souvent vanter la résilience des entreprises auvergnates, souvent familiales, et plus résistantes aux crises. Aujourd’hui elles n’ont plus de marge de sécurité ?
JC : Effectivement nous avons un gros tissu industriel avec des entreprises à capitaux familiaux en Auvergne. Et c’est vrai que ces entreprises sont gérées “en bon père de famille” mais qu’elles se trouvent confrontées à plusieurs difficultés comme la baisse des carnets de commandes car la consommation est en berne. Du coup, là où on avait de la trésorerie pour passer la vague, c’est aujourd’hui de plus en plus compliqué sachant que la vague commence à être très longue. On se retrouve un peu au pied du mur et on sait que pour redonner de la puissance industrielle au pays il faut diminuer le coût du travail. C’est la condition pour que les entreprises puissent embaucher et investir. Aujourd’hui on est le pays de l’OCDE qui a les charges les plus importantes. Le président du groupe Polyvia qui a des entreprises en France, en Allemagne, aux USA et en Roumanie explique que quand il dépense 100 en France ça lui coûte 142 et le salarié n’en touche que 78. En Allemagne, pour 100 dépensés ça lui coûte 117 et le salarié touche 82. Aux USA c’est 121 et 91 pour le salarié et enfin en Roumanie pour 100 dépensés c’est un coût réel de 102 et 57 pour le salarié. Il faut donc plus d’harmonisation Européenne pour éviter la concurrence déloyale. Moi en tant que fabricant de fenêtres je suis fortement concurrencé par les pays d’Europe de l’Est et cela est totalement incohérent.
Il faut arrêter d'essayer de financer la dette publique par des augmentations d'impôts
SL : Au moment d’équilibrer le budget de la France, vous dites que les entreprises n’ont pas les moyens de faire plus ?
JC : Aujourd’hui nous sommes incapables de trouver cet argent là ! Et puis, à un moment donné il faut arrêter d’essayer de financer la dette publique par des augmentations d’impôts. Moi quand j’ai un problème de marge ou de trésorerie je vais faire des économies. Mais j’ai l’impression que les différents gouvernements en parlent depuis les années Mitterrand la dette ne fait que s'accroître. Aujourd’hui nous sommes à 3350 milliards de dettes et ce n’est plus soutenable. Il faut des signes forts, revoir le coût de l’administration, revoir le coût du fonctionnement de l'État. Quand je vois le premier ministre faire rénover son bureau à Pau (lire l'article de 20 minutes sur le sujet) pour 42 000€ et bien je suis désolé. Certes c’est une goutte d’eau à l’échelle de la France, mais moi que je dois changer le fauteuil de mon bureau et bien je réfléchie à deux fois entre le fauteuil à 1000€ et celui à 500€ et peut être ne pas le changer en fonction de la situation de l’entreprise. Mais c’est vrai qu’on réfléchit mieux et plus facilement quand c’est son argent. Alors que les pouvoirs publics gèrent de l’argent qui n’est pas le leur, celui des français, et que ce n’est plus soutenable.
Stéphane Longin : En plus de l’instabilité politique, un appel au blocage du pays a été lancé pour le mercredi 10 septembre prochain. Etes vous inquiet ?
Jérôme Chalaye : Oui je suis très inquiet sur cette journée. Même si sur le fond je pense que ça part d'une bonne idée dans le sens où les Français ont besoin d’exprimer leur ras le bol par rapport à nos gouvernants et cela quel que soit le bord politique. Par contre, quand on sait que les choses peuvent dégénérer comme cela avait été le cas avec des groupes violents lors du mouvement des gilets jaunes, oui cela me fait peur. Mais, en même temps, le ras-le-bol existe pour les salariés et les entrepreneurs. Car le salarié manque de pouvoir d’achat et l’entrepreneur fait du mieux qu’il peut mais c’est impossible aujourd’hui de maintenir cet écart entre le monde qui travaille et le monde qui ne travaille pas. Il faut arriver à remettre cette partie des chômeurs qui ne retrouve pas le chemin du travail sur le chemin de l’emploi. Le monde du “à quoi j’ai droit” ça va un moment… Il y a des droits et des devoirs et que ça devrait s’appliquer à un bon nombre de nos concitoyens demandeurs d’emploi à l’échelle nationale.
SL : Mais que redoutez-vous le plus aujourd’hui ? Une nouvelle dissolution ? Un nouveau mouvement des Gilets Jaunes ? Une grève générale ?
JC : Franchement… c'est difficile de choisir… Je parlais du Gouvernement Bayrou et franchement j’en suis presque à me dire que je préfère quand même une forme de stabilité de ce gouvernement. Même si les décisions tardent à être prises et que ça manque clairement de dynamisme. Mais avec une dissolution on va repartir dans une période avec encore plus d’incertitude. Pour le mouvement social, j’ai surtout peur qu’à vouloir bloquer le pays on va tous se retrouver coincer et que la France va totalement se retrouver déconnecter des autres pays avec une dette qui va encore augmenter.
l'intérêt général n'est pas une thématique qui intéresse beaucoup les politiques
SL : Comment remettre tout le monde autour de la table et recréer les conditions du dialogue ?
JC : On peut prendre l’exemple de ce qui se passe dans nos entreprises. On a beaucoup d’échanges avec les salariés car tout le monde comprend que nos intérêts (aux chefs d’entreprises) sont aussi leurs intérêts. Mais ce qui me fait peur c’est que cette recherche de l’intérêt général n’est pas une thématique qui intéresse beaucoup les politiques. Ils défendent leur part du gâteau, leur place, après leur parti. Pour cela ils valorisent un certain nombre d’électeurs au détriment de l’intérêt de la France. Et en plus ils restent de plus en plus longtemps en place tout en changeant d’avis régulièrement. Moi, en tant que chef d’entreprise je suis sur la même ligne depuis plus de 20 ans. Quand j’ai commencé nous étions 10 et maintenant 160, mais j’ai toujours la même approche et la même proximité avec mes salariés. Les politiques, eux ils veulent faire le buzz, sortir la bonne punchline… Et les français en ont ras le bol de voir ça.


Chaque jour à 6h35 et 7h33, rencontre avec un acteur auvergnat qui fait l'actualité.
